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vœux que tout religieux doit faire lorsqu’il entre dans les ordres, les vœux d’obéissance, de pauvreté et de chasteté ; et, sans plainte aucune sur son sort, il ne cachait pas combien l’observance était difficile et pénible. Les élèves passant alors pour aller au réfectoire : « J’avais leur âge, me dit-il, environ treize ans, quand j’arrivai de mon pays dans cette maison ; je n’en suis plus sorti, je n’en sortirai pas. »

Je vins à Byron. — « Oui, répondit-il, je l’ai vu bien des fois, mais sans jamais lui parler ; j’étais encore dans les pensionnaires, qui n’ont d’ailleurs aucune relation avec les étrangers. Il est venu ici tous les jours, durant trois mois. Nous ne savions ni son nom, ni qui il était. Il s’est fort bien comporté dans notre couvent ; jamais il n’a dit un mot contre la religion. Cela nous a surpris par la suite d’apprendre que c’était un grand seigneur, un grand poète, et un homme peu régulier. »

Ces choses se disaient en montant le grand escalier de la bibliothèque. La vue des livres, la crainte de gêner quelques frères occupés à lire, l’attention même que je devais à mon conducteur, lequel m’exposait ses richesses avec une si délicate complaisance, interrompirent notre conversation. Je vis là des raretés dont j’étais indigne. Je ne me rappelle qu’une édition polyglotte d’une prière de Fénélon.

Devant un grand pupitre chargé de livres, le frère s’écria : « Ceci vous plaira mieux ! Et il tira des rayons un volume arménien avec la traduction anglaise en regard. — « C’est sur ce livre que lord Byron étudiait ; voici un morceau qu’il traduisit avec un de nos pères (et il leva les yeux comme pour chercher quelqu’un dans la salle). — « Je suis fâché que le père Paschal ne soit pas ici ; vous auriez aimé à lui parler. »

Je joins à ma lettre ce morceau. Mon compagnon de voyage qui a fait aussi un pèlerinage aux Arméniens, a tâché d’en retenir le sens ; sauf erreur, le voici :

Lorsque Zervanus (qui veut dire en vieux langage persan, gloire, fortune, ou destin) voulut créer le monde, il médita pendant mille ans sur son œuvre, et offrit un sacrifice, afin de faire bien ce qu’il devait faire, et dans la crainte de faire mal.