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sente. Une année de séjour dans les plaines n’avait pas entamé ma constitution. Je retrouve dans les montagnes mes jambes des Alpes, je souffre du froid, comme j’ai été quelquefois incommodé de la chaleur, mais ces excès contraires n’influent que sur mon humeur, sans atteindre ma santé. Ma police d’assurance contre le choléra, la dyssenterie et la fièvre des Jungles (les trois grandes maladies de l’Inde) ne me quitte pas, et je compte bien ne l’ouvrir qu’à Paris, sans jamais être obligé de la produire jusque-là. C’est une petite boîte qui renferme les remèdes violens à opposer à une attaque, avec une excellente instruction, un petit traité sur leur usage, que voulut bien faire pour moi le médecin le plus habile de Calcutta. Quand je me rappelle ses attentions, je ne puis que me retracer la suite non interrompue de procédés bienveillans et d’égards flatteurs dont je n’ai cessé d’être l’objet depuis mon arrivée en ce pays. Sous ce rapport, rien ne m’aura manqué ; et ce qu’il y a de bizarre, c’est que ma fortune ne s’est pas démentie, même près des fashionables. Quoique je vienne de faire sept à huit cents lieues à cheval, sans-fouet et sans éperons, les officiers du plus dashing corps de l’armée anglaise, où le major, pour devenir lieutenant-colonel, paie 240,000 francs, me sont frères, et quand je redescendrai des montagnes au mois d’octobre ou de novembre, je trouverai un relai de chevaux préparé par leurs soins, de Saharunpore à Meirut, sept jours de marche (50 lieues), sans aucune espèce d’intérêt.

Il est tard, il faut te dire bonsoir ; cher ami, bonsoir et adieu pour quelque temps. Demain je monte aux sources de la Jumnah, elles sont, je crois, à deux mille mètres au-dessus de ce lieu, le dernier habité de la vallée. Adieu donc.


20 mai, camp de Rana.

Encore sous des abricotiers, mon ami, mais à deux journées de marche au-dessus de ma dernière station, et quoique la hauteur de celle-ci excède encore deux mille mètres, cependant le soleil est bien chaud à cette heure, où j’arrive épuisé de fatigue, malade du changement de régime auquel, dans les hautes montagnes, la