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fonçant obliquement en terre une lame de couteau dans la direction du clapier. Après cela, on en était aisément le maître, soit qu’elle s’obstinât à ne pas bouger de sa demeure, soit qu’elle prît le parti d’en sortir.

Dans quelques circonstances où la tarentule avait bien reconnu que l’épillet n’était pas un animal, elle ne s’inquiétait plus de ses mouvemens, et si on enfonçait le chaume jusqu’à la toucher dans son gîte, elle semblait jouer dédaigneusement avec cet épillet, et le repoussait à coups de pattes sans se donner la peine de gagner le fond de son terrier.

Cette prudence d’ailleurs est assez rare chez la tarentule, et son avidité est cause qu’elle se laisse prendre à différentes sortes de pièges. Ainsi, au rapport de Baglivi, les paysans de la Pouille la chassent en imitant près de son terrier, à l’aide d’un chalumeau d’avoine, le bourdonnement d’un insecte.

La tarentule est susceptible de s’apprivoiser ; M. Dufour en a conservé une dans un bocal de verre au fond duquel il avait placé le cornet de papier, qui lui avait d’abord servi de prison, et qui devenait maintenant pour elle une retraite. L’araignée s’habitua promptement à sa réclusion, et finit par devenir si familière, qu’elle venait saisir au bout des doigts de l’entomologiste la mouche vivante qu’il lui présentait. Après avoir donné à la mouche le coup de la mort avec le crochet de ses mandibules, elle ne se contentait pas, comme la plupart des araignées, de lui sucer la tête ; elle en broyait tout le corps en l’enfonçant successivement dans sa bouche au moyen de ses palpes. Elle rejetait ensuite les tégumens triturés et les balayait loin de son gîte. Après son repas, elle manquait rarement de faire sa toilette, qui consistait à brosser avec les tarses de ses pattes antérieures ses palpes et ses mandibules, tant en-dehors qu’en-dedans ; et, après cela, elle restait immobile.

Le soir et la nuit étaient pour elle le temps de la promenade et des tentatives d’évasion, on l’entendait alors souvent gratter le papier qui fermait le vase dans lequel elle était emprisonnée. Ces habitudes nocturnes confirment l’auteur dans l’opinion qu’il a déjà émise ailleurs, que la plupart des aranéides ont, comme les chats, la faculté de voir la nuit.