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REVUE DES DEUX MONDES.

ce n’est vous ? Personne, je vous jure, pas même chez ceux que cela touche de plus près. Respirons en paix, croyez-moi ! Respirons, tel qu’il est, cet air empoisonné, si l’on veut, mais assez embaumé, selon mon goût, de l’atmosphère où nous sommes nés, et dirigeons-nous seulement lorsqu’il le faudra, selon cette loi que, ma foi, je ne vis jamais nulle part écrite, mais que je sentis toujours vivante en moi, la loi de l’honneur.

LA DUCHESSE (un peu effrayée et reculant).

L’honneur ! oui ! mais cet honneur, en quoi le faites-vous consister, monsieur le duc ?

LE DUC (très gravement).

Il est dans tous les instans de la vie d’un galant homme, madame, mais il doit surtout le faire consister dans le soin de soutenir la dignité de son nom… et…

LA DUCHESSE (à part).

Encore cette idée ! ô mon Dieu ! mon Dieu !

LE DUC.

Et en supposant qu’on eût porté quelque atteinte à la pureté de ce nom, il ne doit hésiter devant aucun sacrifice pour réparer l’injure ou la cacher éternellement.

LA DUCHESSE.

Aucun sacrifice ne vous coûterait-il, monsieur ?

LE DUC.

Aucun, madame, en vérité.

LA DUCHESSE.

En vérité ?

LE DUC (sur un ton emporté).

Sur ma parole ! aucun ! fallût-il un meurtre !

LA DUCHESSE (à part).

Ah ! je suis perdue ! ah ! mon Dieu ! (Elle regarde sa croix.)

LE DUC (sur un ton passionné).

Fallût-il me jeter à vos pieds et les couvrir de baisers, et m’humilier pour rentrer en grâce ! (Il lui baise la main à genoux).