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ANDRÉ DEL SARTO.
LIONEL.

Calmez-vous, de grâce.

ANDRÉ.

Je la tenais embrassée durant les longues nuits d’été, sur mon balcon gothique. Je voyais tomber en silence les étoiles des mondes détruits. Qu’est-ce que la gloire, m’écriais-je ? qu’est-ce que l’ambition ? Hélas ! l’homme tend à la nature une coupe aussi large et aussi vide qu’elle. Elle n’y laisse tomber qu’une goutte de sa rosée ; mais cette goutte est l’amour. C’est une larme de ses yeux, la seule qu’elle ait versée sur cette terre pour la consoler d’être sortie de ses mains. Lionel, Lionel, mon heure est venue.

LIONEL.

Prends courage.

ANDRÉ.

C’est singulier, je n’ai jamais éprouvé cela. Il m’a semblé qu’un coup me frappait. Tout se détache de moi. Il m’a semblé que Lucrèce partait.

LIONEL.

Que Lucrèce partait !

ANDRÉ.

Oui, je suis sûr que Lucrèce part sans me répondre.

LIONEL.

Comment cela ?

ANDRÉ.

J’en suis sûr ; je viens de la voir.

LIONEL.

De la voir ! Où ? Comment ?

ANDRÉ.

J’en suis sûr ; elle est partie.

LIONEL.

Cela est étrange.

ANDRÉ.

Tiens, voilà Mathurin.

MATHURIN, entrant

Mon maître est-il ici ?

ANDRÉ.

Oui, me voilà.

MATHURIN.

J’ai tout appris.

ANDRÉ.

Eh bien ?