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teurs oisifs des bons mots et du marivaudage débités pendant dix ans au boulevard Bonne-Nouvelle, et qui se sont appelés, je ne sais pourquoi, la comédie de la restauration, leurs antithèses cliquetissantes, leurs puérilités fardées ; mais au moins, prenez-y garde, je n’en veux pas conclure que M. Delavigne soit le rival de M. Eugène Scribe.

Le drame s’ouvre par une scène d’espièglerie très médiocrement gaie, dont la disposition et les détails sont froids, guindés, d’une prétentieuse coquetterie, mais réussissent, Dieu seul sait comment ! à tenir le parterre et les loges dans une continuelle et muette extase. Nous assistons à la toilette du jeune duc d’York ; Elizabeth Woodville semble oublier la guerre civile qui menace de toutes parts la fortune de sa famille, pour se complaire dans les mutuelles taquineries d’une gouvernante et d’un enfant. Je me prêterais bien volontiers au charme individuel de la scène, si déplacée qu’elle soit, si elle était touchée avec une délicatesse plus légère et plus naïve, et si les sarcasmes, sur les lèvres de M. Delavigne, ne se figeaient au point de se glacer. — L’analyse de la pièce entière, si l’on voulait la rattacher à une idée une, progressive et logique, serait absolument impossible : l’action, s’il y en a une toutefois, n’est qu’un travail mesquin de marquetterie ; les incidens se succèdent sans jamais s’engendrer. Quoique l’auteur ait choisi dans les annales anglaises un crime enveloppé d’épaisses ténèbres, mais constaté, au dire des chroniqueurs, et notamment selon le témoignage de Philippe de Commines qui se connaissait en ces sortes de choses, préparé, poursuivi, accompli, avec une ruse infernale, il n’y a pas, durant trois heures, un seul instant d’émotion ou d’angoisse, d’indignation ou de pitié, d’horreur ou de sympathie.

J’ai entendu chuchoter autour de moi quelques amis empressés, qui admiraient dans les Enfans d’Édouard le développement idéal et simultané (disaient-ils) de deux sentimens très beaux à coup sûr, mais à mon avis complètement absens de la pièce, pour peu qu’on exige l’élan et la naïveté. Ils louaient à l’envi l’amour fraternel d’Édouard et de Richard, et la tendresse d’Élisabeth pour ses deux fils. Pour réfuter cette affirmation d’une aveugle amitié, j’invoquerais, s’il en était besoin, l’autorité des jeunes femmes, qui pendant toute la soirée n’ont pas trouvé une larme à répandre ; et l’on m’ac-