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ANDRÉ DEL SARTO.

C’était la plus belle, la plus douce des vertus humaines. Tu n’avais pas eu de modèle, toi ! Tu m’étais apparue dans un songe, par une triste nuit ! pâle comme te voilà, entourée de tes chers enfans qui pressent ta mamelle. Celui-là vient de glisser à terre, et regarde sa belle nourrice en cueillant quelques fleurs des champs. Donnez cela à votre maître, messieurs. Mon nom est au bas. Cela vaut quelque argent. Paolo n’est pas venu me demander ?

UN VALET.

Non, monsieur.

ANDRÉ.

Que fait-il donc ? Ma vie est dans ses mains.

LIONEL à Montjoie.

Au nom du ciel, messieurs, retirez-vous. Je vous le mènerai demain, si je puis. Vous le voyez vous-mêmes ; un malheur imprévu lui a troublé l’esprit.

MONTJOIE.

Nous obéissons, monsieur ; excusez-nous et tenez votre promesse.

(Ils sortent.)
ANDRÉ.

J’étais né pour vivre tranquille, vois-tu ? je ne sais point être malheureux. Qui peut retenir Paolo ?

LIONEL.

Et que demandez-vous donc dans cette fatale lettre, dont vous attendez si impatiemment la réponse ?

ANDRÉ.

Tu as raison ; allons-y nous-mêmes. Il vaut toujours mieux s’expliquer de vive voix.

LIONEL.

Ne vous éloignez pas dans ce moment, puisque Paolo doit vous retrouver ici, ce ne serait que du temps perdu.

ANDRÉ.

Elle ne répondra pas. Oh ! comble de misère ! Je supplie, Lionel, lorsque je devrais punir. Ne me juge pas, mon ami, comme tu pourrais faire un autre homme. Je suis un homme sans caractère, vois-tu ? j’étais né pour vivre tranquille.

LIONEL.

Sa douleur me confond malgré moi.

ANDRÉ.

Ô honte ! ô humiliation ! elle ne répondra pas. Comment en suis-je venu