Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/513

Cette page a été validée par deux contributeurs.
507
LES LOIS ET LES MŒURS.

ses biens sont promis au dénonciateur. La dernière honte pour une législation, c’est d’écrire la bassesse dans son code, et d’en venir à faire de l’honneur un crime capital.

Veut-on voir enfin le vol prescrit par mesure administrative ? Dans une ville située sur la frontière de la Chine et de la Russie, les Russes s’apercevaient que leur bonne foi était sans cesse trompée par de faux poids, de fausses mesures, par toutes les ruses familières aux marchands chinois. À leurs plaintes l’autorité locale répondait qu’elle était indignée de ces fourberies et prendrait des mesures pour les faire cesser, quand le hasard fit découvrir une pièce officielle par laquelle les magistrats de la ville encourageaient les marchands chinois à tromper les Russes, et même leur en indiquaient les moyens. Voilà où en est ce peuple, voilà où il a été conduit par l’opiniâtreté avec laquelle il s’est attaché à deux ou trois idées empruntées à ses mœurs primitives. Ce que ces mœurs avaient de vital a péri. Leur cadavre est resté, et cette société attachée à un cadavre a fini par se putréfier. Détournons nos yeux de ce hideux spectacle pour les attacher sur ce que l’histoire a de plus brillant. Passons à la Grèce.

LA GRÈCE.

La Grèce fut le plus éclatant théâtre du développement de l’humanité ; c’est plaisir, en sortant des profondeurs mystérieuses de l’Orient, d’aborder à cette ingénieuse terre de Grèce, et de saluer dans ses mœurs et dans ses lois l’aurore de la liberté.

On le sait, la Grèce est double ; deux tendances distinctes se manifestent dans son sein et se font sentir à travers toute son histoire. Deux civilisations d’un caractère opposé s’y dessinent en face l’une de l’autre, et finissent par se combattre. L’une est la civilisation dorienne qui tient encore à l’Orient par un reste d’influence sacerdotale et par des penchans aristocratiques ; l’autre est la civilisation ionienne qui a entièrement rompu avec l’Orient et où dominent le commerce et la démocratie : l’une grave, sévère, l’autre pétulante et voluptueuse ; l’une amie de l’ordre et de la règle, l’autre éprise de la liberté.

Cette opposition fondamentale se trahit en toutes choses, dans la religion, dans l’art, dans les mœurs. Le dorisme austère, inflexible est bien représenté par Sparte et Lycurgue. L’ionisme ingénieux, mobile est bien représenté par Athènes et Solon.

Si nous cherchons à faire en Grèce la part des deux principes dont