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elles ne l’ont pas inspirée, il a jeté l’idée sublime de Dieu, il s’est fait le représentant de cette idée, et au nom d’Allah et de Mahomet, il a prescrit à ses disciples ce qui pouvait leur plaire davantage, la conquête du monde. Qu’est cela en comparaison du mors que la main de Moïse a placé dans la bouche d’Israël ? À côté de lui je trouve Mahomet bien petit. Il flatte la nature humaine. Moïse la dompte.

Ouvrez le Koran, le meurtre est acquitté par une composition pécuniaire, concession que Moïse n’a point faite ; le Koran ajoute : ou par la délivrance d’un musulman captif. Cette clause est dans l’intérêt de l’extension de la foi ; mais remarquez la faiblesse de la loi devant l’exigence des mœurs. Quelques avantages que retire l’islamisme de la délivrance d’un fidèle, le vengeur du sang peut refuser la compensation et demander qu’on livre le meurtrier à sa merci.

Cependant, il faut le reconnaître, cette loi, si complaisante aux mœurs primitives, fit quelques efforts pour les améliorer, principalement à l’égard des héritages. Elle lutta contre d’antiques coutumes qui refusaient à l’orphelin et à la veuve les biens du père et de l’époux ; on alléguait que ce bien devait aller à ceux qui étaient en état de porter les armes. Mahomet, quelque belliqueuse que fût sa législation, comme inspiré par je ne sais quel souffle de christianisme, statua qu’on respecterait la part des veuves et des orphelins. Il voulut que les femmes ne fussent pas prises contre leur gré par droit d’héritage ; cependant il resta de la prépondérance affectée aux guerriers dans l’origine, et qu’il était dans les mœurs de maintenir, cette règle générale : à un homme doit échoir le double de ce qui échoit à une femme. Chose remarquable ! cette loi, en général si docile aux passions et aux coutumes des hommes parmi lesquels elle s’est établie, a résisté avec une énergie singulière à tous les changemens qu’aurait pu y introduire par la suite la diversité des mœurs, des lieux et des temps. Au sein de la civilisation élégante des califes, comme sous la tente, en Afrique, en Espagne, en Sicile, aux Indes, à la Chine, à Constantinople, d’un bout du monde à l’autre, et à travers douze siècles, l’islamisme a subsisté inaltérable. Ce qui semblait dans ses pratiques le plus local et le plus accidentel n’a été nulle part et jamais abandonné. Dans le désert, le musulman imite avec le sable les ablutions prescrites ; perdu dans les steppes de la Tartarie, il se tourne pour faire son oraison vers le côté où il croit que se trouve la pierre sacrée de la Mecque. L’islamisme a eu sur le judaïsme un avantage, c’est de venir après que les Romains avaient passé ; l’empire du monde était vacant, et il a osé y prétendre. Si cet empire lui a échappé, du moins personne n’a pris la Mecque, et le croissant resplendit sur la ville des Césars. Les musulmans ont un pied en Europe, où leur présence