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DU THÉÂTRE ESPAGNOL.

portent encore les costumes du moyen âge, tels qu’ils devaient être à l’origine de ces cérémonies. Ce sont les san-benito, les masques noirs, les hauts bonnets pointus, les jupons traînans, les ceintures ou plutôt les cuirasses de cordes, tout l’attirail enfin d’une procession d’auto-de-fe.

Il est hors de doute qu’on doit attribuer à cette ancienne coutume, toujours existante, l’origine des drames religieux appelés autos sacramentales ou comedias divinas, genre auquel se sont adonnés, sans exception, les plus beaux génies du théâtre espagnol. Les sujets de ces pièces étaient empruntés à l’Écriture sainte et aux légendes des saints. On les jouait avec une grande pompe sur les théâtres de la capitale. C’était aussi le principal répertoire des troupes de comédiens ambulans qui parcouraient l’Espagne, et desquelles on peut prendre une idée bien exacte et bien complète en lisant dans Cervantès (don Quixote, part. ii, cap. ii) les démêlés de son héros avec la compagnie d’acteurs qui s’en allait en costume, d’un village à l’autre, jouer l’auto des Cortès de la mort. Voici comment Agustin de Rojas, dans son Viage entretenido (Voyage amusant) dépeint une de ces troupes appelée Cambaleo : « C’est, dit-il, une femme qui chante et cinq hommes qui pleurent ; ils emportent une comédie, deux autos, trois ou quatre intermèdes (entremeses), et un paquet de hardes que porterait une araignée, etc. » Les comedias divinas étaient si généralement estimées, et réputées si supérieures aux comédies profanes qu’on appelait de capa y espada (de manteau et d’épée), que, pendant le règne de Philippe iv, c’est-à-dire à l’époque la plus brillante du théâtre espagnol, le Conseil de Castille proposa, comme une condition de l’ouverture des théâtres qui étaient restés quelque temps fermés pour des deuils de cour (de 1644 à 1649), « que les comédies se renfermassent dans des sujets de bon exemple pris dans des vies et des morts édifiantes, et que tout cela fût sans mélange d’amour. » Heureusement que le goût du monarque, d’accord avec celui du public, l’empêcha d’accueillir la proposition de ses austères conseillers. La représentation de ces autos sacramentales, qui menaçaient alors d’envahir le théâtre et d’en expulser toutes les autres espèces de drames, ne fut défendue qu’en 1765, sous le règne de Charles iii.

Ce fut aussi dans l’église, à côté des drames sacramentels, que