Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 2.djvu/401

Cette page a été validée par deux contributeurs.
395
LES CAPRICES DE MARIANNE.

réponds qu’il n’est pas rentré. Depuis qu’il a l’amour en tête, on ne le voit pas quatre fois la semaine,

HERMIA.

Pourquoi ces livres sont-ils couverts de poussière ? Pourquoi ces meubles sont-ils en désordre ? Pourquoi faut-il que je mette ici la main à tout, si je veux obtenir quelque chose ? Il vous appartient bien de lever les yeux sur ce qui ne vous regarde pas, lorsque votre ouvrage est à moitié fait, et que les soins dont on vous charge retombent sur les autres ? Allez, et retenez votre langue.

(Entre Cœlio.)

Eh bien ! mon cher enfant, quels seront vos plaisirs aujourd’hui ?

(Les domestiques se retirent. )
CŒLIO.

Les vôtres, ma mère. (Il s’asseoit.)

HERMIA.

Eh quoi ? les plaisirs communs, et non les peines communes ? C’est un partage injuste, Cœlio. Ayez des secrets pour moi, mon enfant, mais non pas de ceux qui vous rongent le cœur, et vous rendent insensible à tout ce qui vous entoure.

CŒLIO.

Je n’ai point de secret, et plût à Dieu, si j’en avais, qu’ils fussent de nature à faire de moi une statue !

HERMIA.

Quand vous aviez dix ou douze ans, toutes vos peines, tous vos petits chagrins se rattachaient à moi ; d’un regard sévère ou indulgent de ces yeux que voilà, dépendait la tristesse ou la joie des vôtres, et votre petite tête blonde tenait par un fil bien délié au cœur de votre mère. Maintenant, mon enfant, je ne suis plus que votre vieille sœur, incapable peut-être de soulager vos ennuis, mais non pas de les partager.

CŒLIO.

Et vous aussi, vous avez été belle ! Sous ces cheveux argentés qui ombragent votre noble front, sous ce long manteau qui vous couvre, l’œil reconnaît encore le port majestueux d’une reine, et les formes gracieuses d’une Diane chasseresse. Ô ma mère ! vous