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PROGRÈS DE LA SOCIÉTÉ EN FRANCE.

taires. C’était, sans les impôts, 2,580 francs par individu ; mais, l’ordre payait plus de 60 millions de taxe ; savoir 18 millions et demi sur les biens territoriaux, ce qui n’en diminuait le revenu que d’un dixième, et 42 millions et demi pour les impôts de consommation, estimés au quart du produit foncier. Au total, pour toute charge publique, 420 francs par personne ; ce qui laissait à chacune un revenu libre d’environ 2,160 francs ; c’est-à-dire double de celui de chaque ecclésiastique et centuple de celui de chaque individu des communes. La noblesse avait en masse un revenu dégrevé de tout impôt, montant à 325 millions, faisant beaucoup plus d’un quart de celui du royaume ; et sur 100 francs obtenus de toute sorte de biens ou de salaires, il lui en revenait plus de 27.

Les deux ordres privilégiés réunis, montant à 466,000 personnes, possédaient un revenu total de 756 millions, dont 240 en biens fonds, et 516 en dîmes, casuel, droits féodaux, pensions et places militaires, civiles, judiciaires et autres. C’était 1825 francs pour chacun. Ils payaient 28,600,000 francs d’impôts territoriaux ou un neuvième seulement du revenu foncier, et 60 millions de taxes de consommation ; ensemble 88,600,000 francs montant encore au neuvième de la totalité de leur revenu. Il leur restait annuellement 667,400,000 francs ou 1430 francs par individu. Cette richesse excédait considérablement la moitié de celle produite chaque année, en France, par toute espèce de travail ; elle montait à 56 francs pour 100.

Les communes avaient 1465 millions de revenu, savoir : 960 provenant des biens-fonds et 505 de l’industrie et des arts et métiers. La part de chaque personne était de 61 francs par an, ou 16 à 17 centimes par jour. Les impôts territoriaux enlevaient 296 millions ou le tiers des revenus fonciers ; ceux de consommation 240 millions, ou le quart de ce revenu, et les autres taxes environ 400 millions : Au total 936 millions ou les deux tiers de toute espèce de biens ou de salaire.

Ces impôts ôtaient à chaque individu de la classe des communes 39 fr. sur les 61, qui formaient sa participation au revenu net de la France. Il ne lui restait que 22 fr. à dépenser par an, ou un peu plus de 6 cent. par jour. Le revenu dégrevé d’un ecclésiastique était cinquante fois plus grand, et celui d’un noble était presque centuple.

La proportion du revenu disponible des différentes classes d’habitans du royaume, était tellement inégale, que cinquante-cinq individus des communes devaient subsister de la part que prenait un seul ecclésiastique dans la fortune publique ; et que cent huit devaient vivre une année entière de ce qu’obtenait chaque gentilhomme de la richesse de l’état et des biens de ses ancêtres.