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PROGRÈS DE LA SOCIÉTÉ EN FRANCE.

impôts, et généralement de toutes les charges publiques, entre les différentes classes de la société.

Nous réduirons ici nos recherches à ce dernier objet ; et leurs résultats suffiront pour faire apprécier, avec plus d’exactitude et de précision qu’on ne l’a fait encore, les changemens prodigieux opérés dans la constitution de l’ordre social pendant la durée d’une seule génération.

En recherchant avec soin quelle était la distribution de la propriété, en France, avant 1789, nous avons été conduits aux aperçus suivans.

Dupré de Saint-Maur estimait, vers 1760, que les quatre septièmes, ou plus de la moitié du sol de la France, étaient exploités par des métayers. Il n’y en avait conséquemment que trois septièmes, faisant 22,290,000 hectares ou 11,284 lieues carrées qui fussent cultivés par les propriétaires ou sous leur direction personnelle ; et la plus grande partie du territoire, formant une étendue de 29,720,000 hectares ou 15,046 lieues carrées appartenaient au clergé, à la noblesse, à la couronne ou à la haute bourgeoisie.

Mais vingt ans plus tard, Turgot, qui avait tous les moyens d’être instruit de ce fait important, affirmait que les terres abandonnées par les propriétaires à l’exploitation des métayers étaient beaucoup plus étendues. D’après ses calculs, elles faisaient les cinq sixièmes de la surface du royaume ; ce qui donnait 43,350,000 hectares ou 21,947 lieues carrées aux possessions des classes improductives de la société ; et seulement 8,650,000 hectares ou 4,383 lieues carrées à la classe qui dirigeait la culture de ses propriétés territoriales, ou qui les exploitait elle-même.

Ainsi, dans l’ancienne France, il n’y avait pas plus d’un hectare sur six dont la culture fût surveillée par l’œil du maître et éclairée par l’intérêt personnel.

D’après les recherches de Lavoisier présentées en 1791 au comité des finances de l’assemblée constituante, le produit territorial du royaume montait à 2,750,000,000 francs. Il était réduit de plus de moitié, par les frais d’exploitation. Toutes les espèces d’industries agricoles donnaient un revenu net d’environ 1200 millions, faisant un peu plus de 23 francs par hectare.

En procédant d’après les données de Turgot et de Lavoisier, on trouve que :


Le revenu des grands propriétaires privilégiés, et autres, montait à 
1,000,000,000 fr.
Et celui des petits propriétaires à 
200,000,000 fr.
Total du revenu net du royaume 
1,200,000,000 fr.