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fut abandonné, on pourrait la fixer avec probabilité au règne de Théodose-le-Grand, aucune médaille postérieure au règne des enfans de cet empereur n’ayant été retrouvée dans les débris de ce temple.

Quant à la fondation de l’hospice, elle remonte certainement au commencement du ixe siècle, puisque l’hospice du Mont-Joux est nommé dans la cession des terres que Lod-Her, roi de Lorraine, fit à Ludwig, son frère, en 859 ; il existait donc avant que l’archidiacre d’Aoste ne vînt y établir, en 970, des chanoines réguliers de Saint-Augustin pour le desservir, et ne changeât son nom païen de Mont-Joux en nom chrétien de Saint-Bernard. Depuis cette époque jusqu’à nous, quarante-trois prévôts se sont succédés.

Neuf siècles sont révolus, et le temps ni les hommes n’ont rien changé aux régles du monastère, ni aux devoirs hospitaliers des chanoines.

La chaîne des Alpes sur laquelle est situé le Saint-Bernard fut témoin des quatre passages d’Annibal, de Karl-le-Grand, de François Ier et de Napoléon. Annibal et Karl-le-Grand la franchirent au mont Cenis, François Ier et Napoléon, à l’endroit même où est bâti l’hospice ; Karl-le-Grand et Napoléon la traversèrent pour vaincre, Annibal et François Ier pour être vaincus.

Outre les dames dont j’ai déjà parlé, nous avions encore au déjeuner une Anglaise et sa mère. Depuis trois ans, ces deux dernières parcouraient l’Italie et les Alpes à pied, portant leur bagage dans un caban, et faisant leur huit ou dix lieues par jour ; nous voulûmes savoir le nom de ces intrépides voyageuses, et nous le cherchâmes sur le registre des étrangers : la plus jeune avait signé Louisa, ou la fille des montagnes.

Nous étions entrés pour chercher ce registre dans la salle attenant au réfectoire : elle est, comme la première, ornée de mille petits meubles, envoyés en cadeaux aux bons pères. Elle renferme de plus deux cadres contenant divers objets antiques retrouvés dans les fouilles du temple de Jupiter ; les mieux conservés sont deux petites statues, l’une de Jupiter, et l’autre d’Hercule, une main malade, entourée du serpent d’Esculape, et portant sur les doigts, comme signe de maladie, une grenouille et un crapaud ; enfin plusieurs plaques de bronze sur lesquelles sont les noms de ceux qui venaient implorer le secours du Dieu.