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BEATA.

sentiment trop vraie pour être feinte, lui avaient répondu de la probité du vieillard ; certain de retrouver encore un peu d’argent, il ne pensait plus qu’à recouvrir de miel les plaies qu’il avait ouvertes, qu’à s’abandonner aux caresses empressées de la bonne petite, et par des promesses et des assurances, à lui donner le change sur l’avenir. Il lui jura qu’il l’aimait toujours, qu’il ne l’avait pas oubliée, que des circonstances graves et imprévues l’avaient seules retenu loin d’elle.

Il faut si peu de choses pour consoler une femme qui vous aime, un rien, un regard, un baiser sur le front. Beata le crut, et lui, comme il était fatigué de la route, et comme il avait besoin de somme, il s’étendit dans le fauteuil, jeta son manteau sur ses épaules et dormit.

VIII.

La nuit s’avançait ; la nature au dehors était ébranlée par la tempête. On entendait gémir les bouleaux, et les sapins aux larges branches criaient et hurlaient comme les amarres d’un vaisseau ; le vent, s’introduisant dans les petits trous des fenêtres et dans le joint des portes, produisait des gammes de sifflemens aigus, tandis que la rafale, s’abattant sur le toit, semblait y rouler d’énormes pierres et bondir comme l’avalanche. La pluie fouettait les vitres. Les grélons, tombant dans l’âtre de la cheminée, avaient éteint le peu de feu qui brûlait encore. Plus de lumière. La seule clarté qui apparût quelquefois était celle de la lune, lorsque voguant à travers des flots de noirs nuages, elle découvrait son disque et jetait de grands éclairs blafards sur la terre.

Cependant le fracas extérieur n’empêchait pas le voyageur de dormir. Il n’entendait rien, pas même Beata, qui, légère comme un oiseau, tournait et retournait autour de lui. D’abord elle avait rallumé dans l’âtre quelques brins de sarment, afin de réchauffer ses pieds ; mais l’eau continuant à tomber dans la cheminée, elle avait renoncé à son travail, et comme la femme de la Bible, comme la bonne Ruth, elle était revenue se coucher auprès de son amant. Peu à peu ses mains soulevèrent les plis du manteau qui le couvrait, et lorsqu’elle eut assez fait, et qu’elle fut certaine