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tournant. Plus le conte ajoutait de pas et nouait de cercles, plus sa tête échauffée s’égarait ; il allait, il allait comme une jeune fille qui se laisse emporter au courant d’une walse, comme un enfant qui marche dans le brouillard ou le vertige… Ses yeux étaient blancs, ses lèvres blanches, et ses joues brûlantes ; il vomissait de sa bouche une foule de paroles sourdes et inarticulées, et tout son corps tremblait. Tantôt de ses deux mains, il froissait et retournait autour de son cou la tresse de cheveux qu’il avait arrachée de son sein et jouée dans sa frénésie, comme une poignée d’or ; tantôt il saisissait la garde de son épée, et la tirant à demi du fourreau, il semblait vouloir l’employer à quelque triste dessein ; il ouvrait la fenêtre, et regardait au bas ; il paraissait irrésolu, incertain du choix, et comme calculant les chances de mort plus ou moins prompte ; puis il reprenait sa course. Mais la mort était toujours dans ses yeux, ses gestes et sa pensée. Enfin, il s’arrêta haletant, et n’en pouvant plus, pour contempler les traits calmes et purs de sa jeune épouse. La pauvre fille, si le sommeil l’avait abandonnée dans ce moment, si ses yeux avaient contemplé cette figure enlaidie et tirée par le désespoir, elle en serait morte de peur ; mais elle ne se réveilla pas, et son mari la levant sur ses deux bras, courut, au bord de la fenêtre, la suspendre sur une abîme de trente pieds. — La fenêtre donnait sur la rue. — Personne, et tout pavé. — Il mit un pied sur le balcon, regarda sa dormeuse, et s’écria : Allons, d’une pierre deux coups… Mais dans ce moment l’horloge des Missions sonna quatre heures. On était encore en été, le soleil blasonnait le ciel de barres blanches et jaunes, un air frais et l’impression du vent réveillèrent l’enfant ; elle ouvrit deux grands yeux bleus, jeta ses bras comme une chaîne autour du cou de son mari, et approcha sa joue si près des lèvres d’Otto, que… l’infâme aima mieux vivre, et le mariage fut consommé…

VI.

Une fin d’automne est triste : nature qui vous fait tant de bien au printemps, qui vous éclaircit l’âme comme le ciel, et qui du moindre buisson vous jette un sourire ; nature en novembre vous