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REVUE DES DEUX MONDES.
LUCRÈCE.

L’apprenez-vous comme une fâcheuse nouvelle ? Alors on pourrait vous dire éloigné de Florence, malade ; en tout cas, ils ne vous verraient pas.

ANDRÉ.

Pourquoi ? je les recevrai avec plaisir ; ne suis-je pas prêt à rendre mes comptes ? Dites-moi, Lucrèce, cette maison vous plaît-elle ? Êtes-vous invitée ? L’hiver vous paraît-il agréable cette année ? Que ferons-nous ? Vos nouvelles parures vous vont-elles bien ?

(On entend un cri étouffé dans le jardin, et des pas précipités.)
ANDRÉ.

Que veut dire ce bruit ? qu’y a-t-il ?

(Cordiani, dans le plus grand désordre, entre dans la chambre.)
ANDRÉ.

Qu’as-tu, Cordiani ? Qui t’amène ? Que signifie ce désordre ? Que t’est-il arrivé ? tu es pâle comme la mort !

LUCRÈCE.

Ah ! je suis morte.

ANDRÉ.

Réponds-moi ; qui t’amène à cette heure ? As-tu une querelle ? faut-il te servir de second ? As-tu perdu au jeu ? veux-tu ma bourse ? (Il lui prend la main.) Au nom du ciel, parle ; tu es comme une statue.

CORDIANI.

Non…, non…, je venais te parler…, te dire…, en vérité, je venais… je ne sais…

ANDRÉ.

Qu’as-tu donc fait de ton épée ? Par le ciel, il se passe en toi quelque chose d’étrange. Veux-tu que nous allions dans ce salon ? ne peux-tu pas parler devant ces femmes ? à quoi puis-je t’être bon ? réponds, il n’y a rien que je ne fasse ; mon ami, mon cher ami, doutes-tu de moi ?

CORDIANI.

Tu l’as deviné. J’ai une querelle. Je ne puis parler ici. Je te cherchais. Je suis entré sans savoir pourquoi. On m’a dit que… que tu étais ici. Et je venais. Je ne puis parler ici.

LIONEL, entrant.

Maître, Grémio est assassiné !

ANDRÉ.

Qui dit cela ?

(Plusieurs domestiques entrent dans la chambre.)