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REVUE DES DEUX MONDES.

Scène III.


LUCRÈCE, SPINETTE.
LUCRÈCE.

As-tu entr’ouvert la porte, Spinette ? As-tu posé la lampe dans l’escalier ?

SPINETTE.

J’ai fait tout ce que vous m’aviez ordonné.

LUCRÈCE.

Tu mettras sur cette chaise mes vêtemens de nuit, et tu me laisseras seule, ma chère enfant.

SPINETTE.

Oui, madame.

LUCRÈCE, à son prie-Dieu.

Pourquoi m’as-tu chargée du bonheur d’un autre, ô mon Dieu ? S’il ne s’était agi que du mien, je ne l’aurais pas défendu, je ne t’aurais pas disputé ma vie. Pourquoi m’as-tu confié la sienne ?

SPINETTE.

Ne cesserez-vous pas, ma chère maîtresse, de prier et de pleurer ainsi ? Vos yeux sont gonflés de larmes, et depuis deux jours, vous n’avez pas pris un moment de repos.

LUCRÈCE, priant.

L’ai-je accomplie ta fatale mission ? ai-je sauvé son âme en me perdant pour lui ? Si tes bras sanglans n’étaient pas cloués sur ce crucifix, ô Christ, me les ouvrirais-tu ?

SPINETTE.

Je ne puis me retirer. Comment vous laisser seule dans l’état où je vous vois ?

LUCRÈCE.

Le puniras-tu de ma faute ? Ce n’est pas lui qui est coupable ; il n’a prononcé aucun serment sur la terre, il n’a pas trahi son épouse, il n’a point de devoirs, point de famille, il n’a rien fait qu’aimer et qu’être aimé.

SPINETTE.

Onze heures vont sonner.

LUCRÈCE.

Ahl Spinette, ne m’abandonne pas ! Mes larmes t’affligent, mon enfant ?