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mais comme elle n’était pas tout-à-fait terminée, on la remplaça, pour cette fois, par l’ouverture des Ruines d’Athènes, en sol. Beethoven l’augmenta encore de la chanson du geôlier, et du finale du premier acte, auxquels il faut joindre un trio ravissant en mi bémol, et un petit duo plein de finesse et de grâce avec violon et violoncelle concertans, deux morceaux qui, malheureusement, ne se trouvent plus dans la partition. Jusque-là Beethoven avait mené une assez pauvre existence, traversée par toutes les contrariétés mesquines dont l’envie harcèle toujours l’artiste qui s’élève.

En 1809, le roi de Westphalie lui fit offrir la place de maître de chapelle à Cassel ; Beethoven était sur le point d’accepter, lorsque trois hommes passionnés pour l’art, le grand-duc Rudolph, depuis cardinal archevêque d’Olmütz, les princes Lobkowitz et Knowsky, s’opposèrent à cette résolution. Ils firent obtenir au grand maître un contrat par lequel il lui était assuré 4000 florins de rente, à cette seule condition qu’il en dépenserait les revenus dans les états autrichiens. Beethoven fut touché de cet hommage rendu à son génie, et se mit à travailler sans relâche jusqu’au jour où l’ange de la paix l’emporta doucement à sa patrie primitive, au séjour d’éternelle harmonie. — À mesure que sa réputation se répandait en Europe, elle lui renvoyait de toutes parts des marques de son passage : c’était sa médaille gravée à Paris, un magnifique piano dont l’Angleterre lui faisait hommage ; puis des nominations, des diplômes académiques, qui lui arrivaient de tous les pays. Mais tout cela était loin de compenser la perte de cet organe que l’âge lui enlevait, perte la plus douloureuse que puisse faire un musicien. Le mal s’avançait lentement, Beethoven négligea tous les secours de l’art, tellement, qu’étant devenu complètement sourd, il ne put désormais communiquer que par écrit avec le monde extérieur. Les suites nécessaires de cette infirmité devaient être un amour ardent de la solitude, une méfiance inquiète, et tous les symptômes de l’hypocondrie naissante : la lecture, le travail, les promenades en pleine campagne, étaient ses plus douces occupations ; un petit cercle d’amis dévoués, son seul délassement. Cependant des souffrances nouvelles s’étant jointes à cette infirmité, forcèrent ce corps, jusque-là sain et vigoureux, d’avoir recours à l’art des médecins :