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s’est-il expliqué qu’à-demi sur la vivacité napoléonienne de l’amiral Roussin. On s’est trouvé d’accord, tout juste ce qu’il fallait, pour arrêter l’armée de l’autocrate sur le Danube et maintenir sa flotte à l’ancre à Bujuckdéré, et l’on a lancé de tous les ports les vaisseaux de cent vingt et les frégates. Maintenant les flottes volent, les affaires d’Orient touchent à un dénoûment d’où sortira, sans doute pour prendre place à côté des grands états européens, une nouvelle puissance jeune, ardente, industrieuse, amoureuse de science, de gloire et de civilisation. L’Angleterre n’oublie pas que, cette année même, elle a résolu de rouvrir la route antique de l’Inde ; tandis qu’elle pousse vers le Bosphore ses gros vaisseaux de guerre, elle prépare aux deux bouts du monde les bateaux qui feront le service de Bombay à Suez et de Londres à Alexandrie. Elle sait bien qu’entre le Gange et la Tamise il n’y a qu’une terre qui puisse servir de point d’appui à sa force de résistance contre la Russie : la terre des Pyramides.


Laissons donc l’Orient, et venons à un évènement plus rapproché de nous.


Alors que Sartorius bloquait don Pedro, son empereur, et qu’Emir-Effendi, suivi de deux cents hommes, prenait la capitale d’Asie de son sultan ; alors que le bill de répression de l’Irlande passait à la chambre des lords très paisiblement, et que O’Connell, tout en refroidissant d’une main le fanatisme des pieds-blancs, entretenait de l’autre à Dublin et dans les campagnes ce qu’il appelle lui-même l’agitation ; au milieu des discussions de la Saxe sur la question d’imposer les terres seigneuriales, question qui prend de plus en plus faveur et consistance dans la seconde chambre des états ; au bruit de révolte des christinos qui se ruaient à l’Escurial, et des feux de pelotons des papalins fusillant leurs prisonniers par derrière ; une émeute rapide, puissante comme la foudre, a sillonné les rues de Francfort, la ville libre et centrale de la confédération. Deux corps-de-garde enlevés au milieu d’une fusillade vive et bien nourrie, l’attaque victorieuse des prisons et la délivrance de tous les incarcérés pour délits politiques ; des bandes d’étudians armés et disciplinés, un moment maîtresses de la ville ; les campagnes s’insurgeant et se rapprochant des murs : tels sont les faits principaux, autant qu’il est possible de discerner la vérité dans le choc contradictoire de correspondances passionnées et de débris de journaux mutilés par la censure.

Maintenant, il est vrai, les prisonniers délivrés ont été repris, les étudians sont dispersés et les campagnards rentrés dans leurs villages, et il ne manque pas de voix qui accusent la diète de ce coup de main, et le signalent comme un prétexte facile, une occasion trop lente à venir d’elle-même, que les cours de Prusse et de Vienne ont fait naître pour légitimer l'inter-