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assurément ne sera tenté d’accuser de mollesse ou de complaisance envers la presse.

En octobre 1831, la revue politique s’arrêta tout à coup au moment où après avoir refait une Allemagne du Midi, comme elle le disait elle-même, elle allait essayer de faire une Allemagne du Nord. Rien n’indique qu’elle eût songé encore à refaire l’Allemagne centrale, qui en avait grandement besoin cependant, rien qu’à voir ce qui s’y passe en ce moment.

Toutefois elle s’arrêta subitement, et l’unique raison fut un changement de direction. Et maintenant que la politique de la Revue de Paris a cessé de cette manière, et que nul intérêt aujourd’hui ne peut souffrir de notre parole, si nous nous trouvions dans le même cas où la Revue de Paris s’est trouvée durant près d’une année, dans le cas de polémique pratique, dénuée de tout caractère scientifique, de toute pensée philosophique et morale, dans le cas de cette polémique vive, ardue, loquace, incessamment infiltrée dans toutes les jointures des évènemens quotidiens et tous les rouages des administrations publiques ; si telles étaient en effet notre allure et notre pensée, et que nous eussions à revendiquer pour nous-même la longanimité dont le ministère Perrier fit preuve à l’égard de la Revue de Paris, ne serions-nous pas en droit d’adresser au cabinet la question suivante :

Il est notoire que la revue politique de la Revue de Paris était rédigée par M. Guizot en personne et par les doctrinaires ses amis. M. Guizot et les doctrinaires ont-ils résolu de venger sur nous une prétendue contravention à la loi de 1828, dont ils se sont eux-mêmes rendus coupables impunément ?

Telle est la question que nous nous croirions le droit d’adresser à M. Guizot et aux hommes de la doctrine, si nous étions dans le cas de polémique flagrante où s’est trouvée la Revue de Paris, et si nous avions, comme eux, contrevenu dix mois durant à la loi de 1828 : nous ignorons ce que le ministre répondrait. Tout ce que nous savons, c’est que le ministre rédigeait bien réellement de sa main les revues politiques de la Revue de Paris.

Mais, grâce à Dieu, nous ne sommes pas en droit d’adresser à M. Guizot cette méchante question ; notre position ne ressemble en rien à celle où il s’est trouvé.

Notre prétention à nous est de traiter la politique comme nous traitons la philosophie, la littérature et les arts, avec élévation, largeur et gravité, avec indépendance aussi ; car il nous importe, pour imprimer à notre œuvre le caractère original qui fait sa force et sa vie, de nous tenir écartés de toutes coteries et même de tous partis, quelque intimes que soient d’ailleurs les sympathies qui nous unissent à certain d’entre eux.