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PHILOSOPHIE DE SCHELLING.

cette harmonie, dis-je, ne peut être conçue qu’au moyen de la supposition admise d’une troisième chose d’ordre plus relevé que les deux autres, supérieure à toutes deux, et qui soit comme la source dont l’une et l’autre découlent.

Cette troisième chose est aussi le fondement de l’identité qu’ont entre eux le subjectif absolu et l’objectif absolu. Elle contient la raison, elle est elle-même, pour mieux dire, la raison même de cette identité. Elle se sépare, se divise dans la conscience, afin qu’un acte quelconque de conscience soit possible ; elle n’est par conséquent, exclusivement ni le subjectif, ni l’objectif ; elle n’est pas non plus tout à la fois le subjectif et l’objectif : elle est l’identité absolue. Elle est cette identité au sein de laquelle ne se trouve aucune duplicité ; et qui ne peut exister pour la conscience, car la condition de toute conscience, c’est la duplicité. Cette identité absolue, au-dessus de toute conscience, vrai soleil du royaume des intelligibles, se cache donc, se voile donc aussi, comme le soleil du monde matériel, de l’éclat même de sa propre lumière. Elle est manifestée par tout ce qui se fait d’actes libres sur la surface du monde. Elle brille également pour toutes les intelligences. Elle est le lien éternel de l’objectif et du subjectif. Elle est la raison même de l’intuition. C’est par elle, c’est par sa toute-puissance, qu’il a été donné à la nécessité d’habiter au sein de la liberté, à la liberté d’habiter dans celui de la nécessité.

L’absolu, l’identique, qui se sépare en deux dans le premier acte de conscience, qui, en se scindant de la sorte, donne naissance au monde entier du fini, cet absolu, cet identique, ne saurait être un prédicat. Il suffit d’un instant de réflexion pour en demeurer convaincu. Aucun prédicat engendré par l’intelligence humaine ne saurait non plus lui convenir. La science ne peut s’élever jusqu’à lui. Il n’existe pour nous qu’en tant qu’il est une supposition nécessaire à chacun des actes que nous exécutons. Il existe par la croyance.

Cet absolu est le véritable fondement de l’harmonie préétablie, dans l’acte libre, entre le subjectif et l’objectif, non-seulement dans l’individu, mais dans l’espèce entière. C’est pour cela que nous devons retrouver cette identité éternelle, immuable, invariable, enlacée sur tous les points avec la nécessité. Ce sont les