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par conséquent, comme on le pressent sans doute dès à présent, la volonté individuelle de l’homme, la liberté.

Cette dernière est, comme l’on sait, essentiellement mobile et variable ; elle tend rarement vers un même but ; ce n’est pas à coup sûr sans raison qu’elle a été appelée ambulatoire dans un langage d’une naïveté consacrée.

Or, il résulte de ce fait que le rapport où sont entre elles ces forces est essentiellement variable.

Il en résulte encore que le caractère de la courbe historique subit des variations analogues et correspondantes, tantôt se développant en spirale, tantôt s’avançant en ligne droite, ne cessant de passer par les inflexions les plus variées, et de montrer çà et là des points d’arrêt, même des points de rebroussement.

Ainsi, lorsque la volonté de l’homme se trouve d’accord avec la volonté de la providence ; lorsque la liberté humaine agit dans la même direction que l’impulsion fatale, que la nécessité, l’humanité s’avance sans écart, et dans une paisible majesté, vers le but indiqué ; la marche de l’humanité se trouve au contraire ralentie, lorsque ces deux forces, cessant d’agir de concert, se contrarient réciproquement, entrent en lutte l’une avec l’autre. Dans cette lutte se trouvent même certaines périodes où les désastres s’accumulent sur les peuples, où les lumières s’éteignent, où la culture disparaît, où la barbarie semble prendre pour toujours possession de la terre ; car l’humanité arrêtée dans sa marche, au milieu du sang, au milieu des débris d’empires écroulés, semble plutôt disposée à rétrograder qu’à s’avancer dans la voie du progrès. On pourrait croire la providence exilée du globe pour toujours.

Nous le savons cependant de science certaine, l’humanité n’a jamais reculé. Si nos convictions intimes ne nous l’enseignent pas immédiatement, un seul coup-d’œil jeté sur l’histoire suffirait pour nous le révéler.

D’où vient cela ? d’où vient qu’à travers ses inflexions les plus bizarres, la courbe historique ne se brise pourtant jamais ? D’où vient qu’en dépit de ses révoltes les plus hardies, la liberté de l’homme ne prévaut pourtant jamais contre la providence ?

Il ne serait pas impossible que je revinsse plus d’une fois sur toutes ces grandes et importantes questions ; mais, en ce moment,