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position et ses vœux, et les motifs qui réglaient alors sa conduite. Je la transcris encore.


À LA REINE JULIE.


Madrid, 23 mars 1812.


« Ma chère amie, M. Deslandes, qui te remettra cette lettre, te donnera tous les détails que tu pourras désirer sur ma position. Je vais t’en parler moi-même, afin que tu puisses la faire connaître à l’empereur, et qu’il prenne un parti quelconque : tous me conviennent pour sortir de ma situation actuelle.

« 1o Si l’empereur fait la guerre à la Russie et qu’il me croie utile ici, je reste avec le commandement général et l’administration générale.

« S’il fait la guerre et qu’il ne me donne pas le commandement et ne me laisse pas l’administration du pays, je désire rentrer en France.

« 2o Si la guerre avec la Russie n’a pas lieu, soit que l’empereur me donne le commandement, ou ne me le donne pas, je reste encore tant qu’on n’exigera rien de moi qui puisse faire croire que je consens au démembrement de la monarchie, tant que l’on me laissera assez de troupes et de territoire, et que l’on m’enverra le million de prêt mensuel que l’on m’a promis.

« J’attends dans cet état tant que je peux, parce que je mets mon honneur autant à ne pas quitter l’Espagne trop légèrement, qu’à la quitter dès que, durant la guerre avec l’Angleterre, on exigera de moi des sacrifices que je ne peux ni ne dois faire qu’à la paix générale, dans le but du bien de l’Espagne, de la France et de l’Europe.

« Un décret de réunion de l’Ebre qui m’arriverait à l’improviste me ferait partir le lendemain.

« Si l’empereur ajourne ses projets à la paix, qu’il me donne les moyens d’exister pendant la guerre.

« Si l’empereur incline à ce que je quitte, ou à l’une des mesures qui me ferait quitter, il m’importe de rentrer en France en paix avec lui, et avec son consentement sincère et entier. J’avoue que la raison me dicte