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pas seulement, comme on l’a publié dans le Moniteur du temps, de féliciter l’empereur sur son mariage avec l’archiduchesse d’Autriche, mais bien de lui représenter les graves inconvéniens qui résultaient de l’établissement récent des gouvernemens militaires. Joseph en était si préoccupé et si affecté, que, pendant cette ambassade, qui fut de courte durée, il envoya encore à Paris, pour appuyer les représentations de M. Azanza, le marquis d’Almenara, son ministre de l’intérieur, avec l’ordre exprès de déclarer qu’il renonçait à la couronne d’Espagne, si l’empereur persistait à vouloir attaquer l’intégrité du territoire espagnol.

La situation de l’empereur était alors si compliquée et tellement critique, que, pour la suppression des gouvernemens militaires, il ne put condescendre aux désirs du roi. Les deux ministres rapportèrent à Madrid des espérances, mais non un résultat positif de leur mission.

Les rapports que le roi recevait de chaque province de l’Espagne, devenaient de plus en plus sombres. Les généraux français traitaient l’Espagne tout-à-fait en pays conquis. Les ministres de Napoléon imitèrent leur exemple, et de jeunes auditeurs au conseil d’état, nommés à Paris intendans civils, vinrent s’emparer, au nom de l’empereur, de l’administration des provinces entre l’Ebre et les

    au sein de l’assemblée constituante, ainsi qu’on peut le voir dans les journaux de Cadix, qui nous les ont conservés. Les deux partis, libéraux et serviles, dans les discussions, se faisaient également une arme des améliorations introduites en Espagne par Joseph. On défendait l’inquisition dont la suppression était proposée, en disant : « Voulez-vous traiter les institutions du pays et les supprimer aussi cavalièrement que fait un prince étranger ? » On réclamait la liberté individuelle, en s’écriant : « Accorderez-vous à l’Espagnol moins de sûreté et de protection que ne lui en donne un roi français ? Ferez-vous pour la liberté individuelle moins que le frère de Napoléon ? »

    Néanmoins, il faut le dire, tant que les armées françaises occupèrent l’Espagne, la constitution de Cadix eut peu d’influence sur l’esprit du peuple espagnol, et par suite sur les événemens de la guerre. Elle y resta même presque inconnue jusqu’en janvier 1814, où la rentrée de nos troupes en France permit aux cortès et à la régence de venir siéger à Madrid.