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environs de Toro par la guérille du Capuchino. Ce chef, dont la conduite ne méritait pas la haine que lui avait vouée le général Franceschi, n’avait pu empêcher ses prisonniers d’être pillés ; il leur avait du moins sauvé la vie en les faisant conduire au duc del Parque, qui commandait alors à Ciudad Rodrigo.

Le général reçut Franceschi et ses compagnons de captivité avec les égards que se témoignent entre eux les gens de guerre ; mais il avait des ordres, et il dut envoyer ses prisonniers à Séville, à la disposition de la junte, qui s’était emparée du gouvernement suprême de l’insurrection. Malheureusement cette junte se composait d’individus qui pour conserver le pouvoir, étaient obligés de caresser les passions et les fureurs de la multitude. Elle traita des prisonniers de guerre comme des malfaiteurs, et permit qu’ils fussent exposés aux outrages de la populace pendant le voyage de Séville à Grenade, où elle les envoya pour être renfermés dans l’Alhambra. Le prétexte des mauvais trailemens auxquels ces malheureux furent en butte, était leurs fonctions dans la maison militaire de Joseph ; le général Franceschi, comme aide-de-camp du roi ; le lieutenant Bernard, comme fourrier du palais. Le capitaine Anthoine de Saint-Joseph, aide-de-camp du maréchal Soult et beau-frère du maréchal Suchet, avait eu le bonheur d’obtenir promptement d’être échangé.

À Grenade, le général Franceschi fut séparé de son aide-de-camp et confiné dans un étroit cachot, où il pouvait à peine faire trois pas le long d’un méchant grabat. Les habitans de la ville étaient honteux de la conduite de ses geôliers à son égard. Ils lui témoignèrent plus d’une fois une vive sympathie, soit par leurs gestes, dans les courts instans où ils l’apercevaient prenant l’air sur la plate-forme de la tour, soit en lui donnant des sérénades que son oreille italienne savourait avec enivrement. L’intérêt général qu’on lui témoignait aurait peut-être forcé le commandant de l’Alhambra à permettre que des adoucissemens fussent apportés à une captivité inique, et que la conduite généreuse des Français envers les prisonniers espagnols rendait infâme, lorsque la marche de nos troupes sur l’Andalousie fit donner l’ordre de conduire à Carthagène le général et son aide-de-camp. On les y transféra. La sympathie publique les y suivit, et se prononça en leur faveur assez