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SOUVENIRS SUR JOSEPH NAPOLÉON.

représentée lui apportant dans ses bras leur enfant, né pendant sa captivité, tête charmante que le pauvre père n’avait pas vue et qu’il avait été forcé de deviner. Il avait aussi dessiné quelques scènes de sa vie militaire, et entre autres le moment où, au bivouac d’Austerlitz, Napoléon lui avait témoigné sa satisfaction de sa belle conduite pendant la bataille. Mais la verve de Franceschi s’était principalement exercée contre le moine guerrier qu’il considérait comme la cause de son infortune ; la figure du capucin était reproduite de cent façons différentes, ou grotesques ou horribles, tantôt avec sa robe de bure et le grand capuchon, tantôt avec l’accoutrement, le cheval et les armes d’un chef de bande : ici on voyait le moine pendu à un arbre, là il était représenté, monté sur un âne, le visage tourné en arrière, tenant dans ses mains la queue de l’animal et promené en signe de mépris au milieu d’une foule ricanante. Plus loin, il était renfermé dans une cage, et comme le lion que don Quichotte voulait combattre, conduit sur une charrette avec une ménagerie de bêtes féroces. Au-dessus de chaque dessin on lisait une inscription en français, en italien ou en espagnol, pleine de haine ou de douleur.

Il y a lieu de penser que les mauvais traitemens qu’on avait fait subir au général, avaient mêlé un peu de folie à son désespoir.

Le général de division Franceschi[1], un des officiers les plus braves de nos armées, et auquel je m’étonne que les biographies contemporaines n’aient consacré aucun article, commandait, en 1809, la cavalerie légère de l’armée de Portugal. À la rentrée de cette armée en Espagne, après l’évacuation d’Oporto, il avait été chargé par le maréchal duc de Dalmatie d’aller rendre compte au roi Joseph des opérations de la campagne. Parti de Zamora à franc étrier, sans escorte, et accompagné seulement des deux officiers dont j’ai cité les noms plus haut, il avait été fait prisonnier aux

  1. Il ne faut pas confondre le général Franceschi-Delonne avec un autre général Franceschi, ancien aide-de-camp du maréchal Masséna, qui a été aussi aide-de-camp du roi Joseph. Ce dernier Franceschi était général de brigade ; il fut tué en duel à Vittoria, par le fils du célèbre Filangieri, qui, comme lui, était aide-de-camp du roi, et qui avait eu avec lui une discussion relative à des affaires de service.