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REVUE. — CHRONIQUE.

et dont elle veut reconnaître le dévoûment. Les peuples d’ordinaire sont moins oublieux que les rois, et ce nouvel exemple vient confirmer l’enseignement de l’histoire et de l’expérience.


Le départ des Saint-Simoniens pour l’Orient, à la recherche de la femme libre, ressemble volontiers aux derniers soupirs d’une religion expirante. Le discours de Barrault, dans le banquet de Marseille, n’a produit qu’une impression médiocre sur les convives. Il y avait dans ses paroles, habituellement pleines d’action, un découragement profond, une tristesse sincère ; ce dernier pélerinage va convaincre d’impuissance les apôtres du nouveau dieu. Quand ils verront que leur évangile ne convertit personne, que les curiosités s’attiédissent, que la moquerie même, si utile aux idées neuves, manquera bientôt aux chances de leur popularité, alors ils viendront à résipiscence, et les âmes élevées, engagées dans cette fausse route, reprendront dans la société active le rôle qu’elles n’auraient jamais dû quitter.


Le concert historique de M. Fétis, composé entièrement de musique du dix-septième siècle, n’a pas eu le même succès que la musique du seizième. Outre la médiocrité générale des morceaux, si l’on excepte un air de Stradella et un concerto de Tartini, nous devons adresser à M. Fétis un reproche plus sérieux : pourquoi, au lieu d’exécuter dans l’espace de trois heures sept ou huit compositions d’une étendue raisonnable, porter à quinze le nombre des ouvrages ? De cette façon on n’a pas le temps d’entrer dans l’esprit de l’ouvrage qu’on écoute. Le plaisir est morcelé et disparaît. — Le miserere de la Chapelle Sixtine a été rendu sans verve, sans ensemble, sans justesse. Nous étions de l’avis de l’ambassadeur impérial. Nous avons cru un instant que la musique placée sur les pupitres n’était pas celle de Saint-Pierre, et qu’un malin démon changeait la note du morceau ; car on sait que l’empereur, ayant prié son ambassadeur de se procurer à quelque prix que ce fut la transcription exacte du Miserere de la Chapelle Sixtine, fut fort étonné de ne pas trouver dans ce morceau, exécuté par les chanteurs de son palais, le charme et l’émotion qui l’avaient rendu célèbre dans le monde entier. Il crut d’abord que le maître de chapelle du pape avait voulu le mystifier, s’emporta et donna ordre à son ambassadeur de faire des remontrances. On parvint sans peine à le détromper et à le convaincre que l’effet et la puissance de cette composition ne dépendaient pas tant de la note écrite que du timbre, du volume et du mouvement des voix. — Malheureusement cette anecdote pourrait recevoir son application dans des occasions nombreuses et diverses. Les chanteurs éminens de ce temps-ci, qui exécutent à merveille les opéras de Ros-