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meront un ménage durable, les petits s’établiront près de leurs parens. Ce qui n’était d’abord qu’une famille deviendra une tribu, et dès-lors les arts sociaux renaîtront. C’est ce que l’on a vu naguère à Grunneberg dans le canton de Magdebourg.

Le lieu que ces animaux habitent, et auquel ils ont fait donner le nom de Biber-Lache (fosse aux bièvres), est situé sur le bord de la Nuthe, à une demi-lieue environ au-dessus de l’embouchure de cette rivière dans l’Elbe. C’est une contrée déserte, couverte de saules, de sorte que la colonie y trouve les circonstances que nous avons indiquées comme nécessaires à son libre développement : abondance de vivres et repos absolu.

Les castors de Biber-Lache séjournent chaque année moins long-temps dans leurs maisons que les castors canadiens, et c’est peut-être ce qui fait qu’ils les construisent avec moins de recherche. La disposition de la Nuthe, qui serpente dans un pays plat et coule ordinairement à plein lit, les dispense du soin d’élever des digues : aussi ne leur en avait-on jamais vu construire jusqu’en 1822, où la baisse des eaux ayant mis à découvert l’ouverture inférieure des terriers qui constituent leurs habitations d’été, ils construisirent un barrage en profitant d’une sorte de pile naturelle qui venait presque jusqu’à la surface de l’eau.

Ce n’était pas au reste des bièvres de l’ancien continent que je voulais parler ici, mais d’un castor canadien qui avait été pris tout jeune et amené en Europe. On le conservait dans une cage de bois doublée de tôle, garnie en devant de barreaux de fer, et qui, la nuit, se fermait avec une porte à deux battans. Une fois cependant cette précaution fut négligée, et c’était justement dans une nuit très froide, où la neige tombait en abondance, et était poussée par le vent jusqu’au fond de la cage. L’animal était en danger de périr de froid, s’il ne trouvait moyen de se faire un abri. La nécessité réveilla en lui le talent de maçon propre à sa race, mais que, sans doute, il n’avait jamais eu occasion de voir appliquer. L’embarras était de trouver les matériaux pour sa construction : point de bois, point d’argile. Que fit-il donc ? précisément ce que fait l’homme dans les régions glacées : il bâtit avec de la neige, et comme cette neige, fraîchement tombée, n’avait pas la consistance nécessaire pour se soutenir à elle seule en un mur qui devait être mince, il entrelaça à ses barreaux quelques carottes qu’on lui avait données pour sa nourriture, et la neige lui servit à boucher les interstices.

Un orang-outang apprend à se préserver du froid en s’enveloppant d’un morceau de drap qu’on a mis à sa disposition. Un chien sait se faire une couverture avec la paille de sa litière ; ni l’un ni l’autre, dans le cas dont nous venons de parler, ne se serait avisé de construire un mur. L’intelligence