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d’Édith, et l’effroi des monceaux sanglans qui la veille étaient encore des hommes.

Cette perpétuelle obstination à substituer l’esprit à l’âme, l’amusement à l’émotion, l’adresse à la puissance, révèle et trahit d’une façon irrévocable la médiocrité de l’artiste.

Et, à mon avis, c’est précisément sur sa médiocrité que sont fondées les admirations qui s’acharnent encore sur son nom. Après le don d’invention que Dieu distribue avec une extrême avarice, ce qu’il y a de plus rare, à coup sûr, c’est l’intelligence rapide et spontanée des choses inventées, et en cela nous devons remercier la cause inconnue qui a présidé à l’origine du monde et de l’humanité. S’il en eût été autrement, l’intelligence aurait pleuré l’absence du génie, ou le génie aurait vainement appelé à lui des âmes sourdes à sa voix. À de rares poètes, il fallait de rares admirateurs.

Mais aussi à des inventeurs médiocres, il fallait des sympathies à leurs tailles. Et c’est ce que nous voyons.

La poésie qui, pour le plus grand nombre, n’est qu’un délassement, une distraction, ne se peut pénétrer profondément qu’à la condition de devenir, pour celui qui s’en occupe, un sujet d’étude, un travail, une occasion de volonté, de persévérance, de douleur réelle, ou de joie vraie. Si la Sainte-Cécile, ou la Joconde, la Crèche de Ribeira, ou le Mendiant de Murillo, ne vous donnent que du plaisir, assurez-vous que vous n’aimez pas la peinture.

Or, je pense que cette simple explication doit satisfaire complètement les admirateurs de M. Horace Vernet ; ils s’en amusent, mais ne l’étudient pas. Le public et le peintre ont tous deux raison ; si la critique intervient, c’est seulement pour dire à l’un qu’il n’est pas artiste, à l’autre qu’il se passe de l’art, et ne le soupçonne pas.


gustave planche.