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SALON DE 1833.

l’admiration qu’ils ont gardée fidèlement, et qui leur échappe ; c’est à elles que je montrerai comment naissent, vivent et meurent les popularités de toutes sortes.

Et comme je suis d’avis que, pour prouver une vérité, pour mettre en évidence une conviction, on ne doit regretter ni les redites, ni même les idées presque démonétisées par la circulation, je prends hardiment mon parti, et j’appellerai à mon aide les souvenirs de tous.

Personne, je l’espère, n’a pu oublier que la restauration ferma les portes du Louvre aux batailles que nous avons vues, il y a deux ans, sans trop d’empressement ni d’extase ; et pourtant, quand le peintre, pour se venger de l’ostracisme décrété contre lui par la pruderie des courtisans, ouvrit à la foule son atelier, on n’avait pas assez d’enthousiasme pour ces chefs-d’œuvre prétendus ; les formules les plus délicates et les plus vives de l’éloge traduisaient à grand’ peine la joie et la sympathie des curieux. Ce n’était pas seulement de la belle et délicieuse peinture ; c’étaient de grands et patriotiques poèmes, des inventions qui devaient transmettre à nos derniers neveux le souvenir de notre gloire militaire, une protestation généreuse, une réhabilitation énergique des luttes et des victoires que la monarchie voulait condamner à l’oubli.

Or, si l’on y prend garde, et pour peu qu’on descende plus avant dans la conscience du passé, la sympathie politique dominait impérieusement l’estime purement pittoresque. Ceux qui gardaient souvenir de la Méduse osaient à peine exprimer leur répugnance pour cette manière petite et mesquine, pour ces fragmens d’épopée découpés à la taille d’un couplet de boulevart. Vainement auraient-ils élevé la voix ; leurs plaintes n’auraient pas imposé silence aux acclamations de la foule.

La popularité d’Horace Vernet, interprétée impartialement, sans haine, sans jalousie, sans amertume, n’a plus qu’un sens polémique. L’art, qui ne doit se complaire que dans l’expression d’une fantaisie personnelle, n’avait pas de place possible dans ces pamphlets ingénieux. Ce qui importait à la curiosité des spectateurs et au succès du peintre, ce n’était pas l’image fidèle et poétique des épisodes stratégiques. Non vraiment ; on ne voulait, on ne cherchait dans ces rapides improvisations du pinceau, dans ces débauches et ces coquetteries, que la satire d’un trône rapporté dans