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SALON DE 1833.

et aperçoivent les galeries du Vatican, lointaines, pâles, effacées ; puis, vers la gauche, sur une terrasse, un pape qui semble vouloir deviner le sens de la scène, mais placé trop loin pour le soupçonner. Son geste, son attitude, l’expression de sa figure, sont également indécis et ne révèlent pas quelle part il peut prendre au drame qui se joue. Il doit être à peu près à vingt pas de Raphaël et de Michel Ange. Il se trouve là sans doute fortuitement.

Comptons maintenant : nous avons un sujet non réalisé, eu égard à la position du peintre et du modèle ; un interlocuteur qui ne peut ni entendre ni parler ; un acteur curieux placé trop loin pour pouvoir justifier son inquiétude. Je ne dis rien des coiffures et des tabliers qui garnissent la droite, et qui couvrent la toile sans la remplir.

Je crois être sûr que ces trois parties du tableau sont nées dans l’ordre que j’ai suivi. Il est fort inutile de discuter le mérite de cette composition. Tout le monde comprend de reste qu’elle ne résiste pas à l’analyse, et qu’elle n’a pas en elle-même un seul élément de vie.

Y a-t-il dans l’exécution d’une ou de plusieurs figures les qualités solides qui distinguent les grandes œuvres de l’école espagnole ou italienne, et suppléent par la valeur des morceaux à l’absence de combinaison dramatique ? mon Dieu non. C’est partout et à tout propos une facilité déplorable, une indication superficielle et hâlée, une petite manière, coquette, propre, nette, inoffensive, une ébauche du premier coup, sûre d’elle-même, qui se croit trouvée et qui n’est pas même cherchée. Rarement ai-je vu réuni sur une toile de pareille dimension un tel nombre de qualités négatives : couleur convenue, sans ardeur et sans vivacité ; lignes possibles, mais non pas nécessaires ; attitudes froides, mais claires, d’autant plus intelligibles qu’elles sont moins significatives.

Nous pouvons maintenant aborder une question plus haute et plus générale. Est-ce que avec les lignes biographiques que nous avons citées, il est possible de composer un tableau ? est-ce qu’un des génies les plus éminens du passé, choisi dans telle école qu’on voudra, Léonard, Raphaël ou Rubens, aurait jamais tenté de réaliser à sa manière un sujet de ce genre ? Est-ce que l’un de ces grands maîtres aurait jamais essayé de reproduire ou de poétiser autre