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duisit ce système, et la France, point central, accueillant toutes les idées, les refondant à son creuset et leur donnant sa forme, le répandit par toute l’Europe.

Ce système, quel qu’il soit, il ne peut s’agir ici de l’apprécier, de dire si, par son intelligente explication, il convenait à la maturité des temps, et devenait le résultat nécessaire de leur expérience, ou s’il est une route nouvelle où doive entrer l’humanité. Jusqu’à présent, bien que la formule philosophique où l’éclectisme renfermait la raison même des choses ait perdu dans la pratique de sa rigueur naïve, on peut croire, du moins d’après l’ensemble des faits, qu’elle contient encore le principe organique de la société ; d’autre part, cette doctrine est vivement attaquée et par des hommes jeunes et remplis de conviction ; les théories abondent : arriveront-elles à une réalisation complète ? Ce qu’il y a de sûr, c’est que, pour peu qu’elles contiennent d’idées justes et neuves, l’école qu’elles attaquent essaiera d’en faire son profit.

En poursuivant cet exposé, on verrait que les lettres ne furent pas sans gloire aux années dont nous parlons. En même temps que de belles pages historiques, d’habiles restaurations du passé nous initiaient aux mœurs de nos pères, en renouant la chaîne brisée des souvenirs nationaux, un lyrisme plein de sève et de fraîcheur fécondait nos poètes et ranimait en France cette fleur d’imagination qui semblait éteinte et flétrie.

Ceci même est à remarquer, qu’une renaissance des arts si vive et si inespérée ne fut pas seulement le jet d’un sentiment indigène, qui surabonde et s’épanche, mais aussi le produit consciencieux et intelligent d’une critique savante, qui toujours nourrit l’inspiration. De là cet air de précoce maturité dans nos poètes modernes les plus jeunes ; de là cette science achevée de leurs formes rhythmiques ; de là encore, chez les mieux inspirés de leurs sentimens religieux, nationaux ou personnels, cette calme impartialité, qui leur fait des frères des poètes de tous les pays, de toutes les religions, de toutes les époques. Pour citer des noms, c’est sous cette double inspiration, que l’historien des ducs de Bourgogne, M. de Barante, traduisait Schiller, M. de Saint-Aulaire, le Faust de Goëthe, et que des poètes même, par un désintéressement encore plus difficile, sortaient de leurs propres créations, pour nous expli-