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Toutes les recherches géologiques tendent à prouver que les différentes couches terrestres résultent d’un état primitivement fluide. La terre, à ses plus grandes hauteurs comme dans ses fouilles les plus profondes, livre à l’investigation du savant des matières cristallines : or, point de cristallisations salines sans liquidité. De leur côté, des impressions végétales et animales creusent les strata les plus réfractaires, et prouvent, à n’en point douter, que ces substances ont été, sinon fluides, du moins amollies au point de recevoir les empreintes qu’elles ont conservées. Enfin, la disposition généralement reconnue, partout où quelque cataclysme n’a point amené le désordre, de matières terreuses différentes superposées les unes aux autres et étendues en couches parallèles, ne permet pas de doute à ce sujet. Maintenant cette fluidité est-elle le résultat d’une chaleur intense, ou d’un liquide primordial ? Est-elle due au système vulcanique ou au système neptunien, au feu central ou à l’océan universel ? Hutton est-il dans l’erreur, ou est-ce Werner qui se trompe ?

Comme chacune de ces théories peut se défendre à l’aide des raisons dont se sont armés leurs auteurs, et qu’il serait trop long de rapporter ici, les géologues modernes, embarrassés de choisir entre elles, se sont occupés seulement de recueillir les faits et de constater les résultats : or, les faits recueillis, les résultats constatés, prouvent que, soit primitivement, soit subséquemment, la terre fut entièrement couverte d’eau. Les montagnes calcaires du Derbyshire, et celles de Craven, dans le Yorkshire, contiennent, à la hauteur de deux mille pieds au-dessus de la mer, des débris fossiles de zoophytes et d’écailles de poissons. La partie la plus élevée des Pyrénées est couverte de roches calcaires où l’on aperçoit des empreintes d’animaux marins. La pierre à chaux même qui n’a pu conserver ces vestiges, dissoute dans un acide, exhale une odeur de cadavre, due certainement à la matière qu’elle contient. À sept mille pieds de hauteur, à trois lieues au-dessus des maisons de Ste.-Echelberg, plus haut que la vallée de Rothun, envahie maintenant par les glaciers, l’on trouve, dans les débris d’une montagne écroulée à l’endroit nommé Kriegsmatten, de belles pétrifications d’ammonites. Le Mont-Perdu, à la hauteur de plus de dix mille cinq cents pieds au-dessus de la mer, offre des débris de même nature ; enfin