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IMPRESSIONS DE VOYAGE.

chef ; sur les Gaules, par le chemin que nous suivions et qui mène à la Savoie ; enfin sur l’Italie, par l’Ostiolum Montis Jovis, aujourd’hui le Grand-Saint-Bernard, où il avait fait tracer une voie romaine qui allait de Milan à Mayence.

Nous nous trouvions au centre de ces quatre chemins, et nous pouvions les voir fuir chacun de leur côté, en les suivant plus ou moins long-temps des yeux, selon que nous le permettaient les accidens fantasques de la grande chaîne des Alpes au milieu de laquelle nous voyagions.

Le premier objet qui attirait la vue comme point central de ce vaste tableau était d’abord cette vieille ville de Martigny, où vivaient, du temps d’Annibal, ces demi-Germains dont parlent César, Strabon, Tite-Live et Pline, et qui dut à l’avantage de sa position topographique le terrible honneur de voir passer au milieu de ses murs les armées de ces trois colosses du monde moderne : César, Karl-le-Grand, Napoléon.

L’œil ne se détache de Martigny que pour suivre le chemin du Simplon, qui, s’enfonçant hardiment dans la vallée du Rhône, suit, de Martigny à Riddes, une ligne si droite, qu’il semble une corde tendue, dont les clochers de ces deux villes font les deux piquets. À sa gauche, le Rhône, encore enfant, serpente au fond de la vallée, onduleux et brillant comme le ruban argenté qui flotte à la ceinture d’une jeune fille, tandis qu’au-dessus de lui s’élève de chaque côté cette double chaîne d’Alpes qui s’ouvre au col de Ferret, s’élargit pour enfermer le Valais dans toute sa longueur, et qui va se rejoindre à cinquante lieues plus loin, à l’endroit où la Furca, point intermédiaire entre ces deux rameaux granitiques, réunit à sa droite et à sa gauche les larges bases du Gallenstock et du Mutthorn.

En ramenant la vue de l’horizon à la place que nous occupions, nous apercevions à gauche, mais pour le perdre aussitôt derrière le vieux château de Martigny, le chemin qui conduit à Genève par la vallée de Saint-Maurice ; à droite, visible pendant l’espace d’une lieue à peu près, côtoyant la Drance, torrent bruyant et caillouteux, qu’elle enjambe de temps en temps pour passer capricieusement d’un côté de la rive à l’autre, la route qui conduit au pied du Grand-Saint-Bernard, et à laquelle succède un sentier qui