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Et lorsque le soleil de la mer est sorti,
D’aller peindre d’abord auprès de Frascati,
Et de monter ensuite au haut de la colline
D’où l’on découvre au loin les monts de la Sabine ;
Puis de s’acheminer à Grotta-Ferrata,
Et fatigué du jour, de se reposer là.
Ami, combien de fois, en ma plus fraîche année,
N’avons-nous pas ainsi consumé la journée !
Et puis nous retournions dans notre après-midi
Par Saint-Jean de Latran à Casa Lucidi,
Et nous allions revoir cette excellente femme
Aimant le pape et Dieu du plus fort de son âme ;
Et lorsque la douleur la clouait sur son lit,
Suspendant à son col un chapelet bénit ;
Et le vieillard Bruschi, jovial et digne homme,
Pauvre et simple de cœur comme un bourgeois de Rome,
Ayant fait une fois, à l’âge de trente ans,
Le voyage de Naple, et de cet heureux temps
Qui fut, n’en doutons pas, le plus doux de sa vie,
Parlant incessamment la face épanouie,
Et sachant retrouver un reste de chaleur
Pour nous vanter David, le céleste chanteur.
Près du prince Colonne il faisait son service,
Puis allait à Saint-Pierre entendre un bel office,
Et racontait, le soir, avec naïveté,
La nouvelle courant dans l’antique cité ;
Du reste, ayant un peu de tout dans sa mémoire,
Et sur les cardinaux récitant mainte histoire.
En son étroite chambre il n’avait qu’un tableau,
Mais ce tableau sans cadre était ancien et beau ;
Et lorsqu’un étranger venait dans sa famille,
Il prenait par la main sa plus petite fille,
Et les menant ensemble à l’objet précieux,
Sur les yeux du Français il fixait ses grands yeux,
Et puis lui demandait d’une voix attendrie
Si l’on avait aussi des arts dans sa patrie.