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vant également aucun soin, ont en général moins bonne mine que les nôtres. Leur souche provient de la race andalouse ; mais aucun croisement n’ayant eu lieu depuis leur introduction en Amérique, ils ont perdu les formes élancées et sèches des chevaux de l’Espagne méridionale, en conservant toutefois quelque chose de leur ardeur et de leur aptitude à supporter la fatigue. Ils s’usent promptement, ce qui n’a rien d’étonnant, quand on songe à la manière dont on les dresse et aux longues courses au galop qu’on leur fait faire ; j’en ai vu qui avaient parcouru cinquante lieues d’un soleil à l’autre, suivant l’expression du pays. Le sol des pampas étant presque partout dépourvu de cailloux, on ne les ferre jamais, excepté ceux qui servent de chevaux de selle en ville.

Presque tous les produits que fournit le bétail, tels que cuirs, tasajo, crins, cornes, etc., viennent à Buenos-Ayres, seul port que possède la république, depuis que Montevideo, soustrait au joug du Brésil à la suite de la dernière guerre, s’est constitué en état indépendant. Des troupes de mules, de longues files de pesantes charrettes y apportent du pied des Andes et des frontières du Haut Pérou les productions de l’intérieur. Une faible portion prend la route du Chili à travers les Andes, et se rend à Valparaiso, où est concentré tout le commerce extérieur de ce dernier pays. La consommation qui s’en fait sur les lieux est en outre extrêmement considérable, le cuir y remplaçant le fer et le bois dans une foule d’usages auxquels nous appliquons ces deux matières de première nécessité. La porte de la chaumière du gaucho est un cuir ; les solives qui supportent le toit et les côtés sont attachées avec des lanières de cuir ; son lit est une peau de bœuf clouée sur quatre ais à deux pieds au-dessus du sol ; son recado[1] est entièrement composé de

    bétail était un Portugais, nommé Gaete, qui fut récompensé de la peine excessive qu’il avait prise, par le don d’une des vaches qu’il avait amenées. Ce salaire parut si énorme aux yeux des habitans, qu’il est devenu l’origine d’un proverbe encore en usage aujourd’hui : « cela est plus cher, ou aussi cher, que les vaches de Gaete. » Funes, Ensayo historico y politico, etc. ; vol. ii, page 153.

  1. Attirail de forme compliquée qui remplace dans le pays la selle européenne.