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SALON DE 1833.

logique va s’effacer de plus en plus, et la partie humaine reprendra l’importance qui seule assure l’immortalité poétique.

Le génie qui doit réaliser cette prophétie et la personnifier ne fera pas, comme le disent quelques esprits timides, un travail de conciliation, mais un progrès. Il ne choisira pas dans les chefs-d’œuvre nés en Europe depuis quatre siècles les manières les plus éclatantes pour les réunir et les absorber l’une dans l’autre. Il ne se trompera pas si lourdement, et ne voudra pas imiter le musicien maladroit et indécis qui, en passant de l’Allemagne à l’Italie, est demeuré sans patrie. Il prendra dans cette famille élue un ami et un conseil ; il se confiera à son enseignement, non pas pour s’y arrêter, mais pour entreprendre un nouveau voyage, à ses risques et périls, après avoir appris de lui le mystérieux itinéraire.

N’en doutons pas, les madones idéales de Raphaël, les convives éclatans de Paul Véronèse, les naïades charnues de Rubens, ou les têtes lumineuses de Rembrandt, peuvent inspirer l’invention, mais non pas la suppléer.

Pour résoudre le problème de la peinture historique, tel qu’il est aujourd’hui posé, avec les élémens fournis par les deux écoles françaises du dix-neuvième siècle, à savoir celle de l’empire et celle de la restauration, il y a deux méprises à éviter, et toutes deux également dangereuses. Par un soudain retour aux traditions pittoresques du seizième siècle de l’Italie, le plus haut génie s’exposerait à l’ingratitude et à l’obscurité ; s’il pouvait recommencer Raphaël littéralement, il ne trouverait pas Jules ii et le Vatican ; et le sentiment religieux, attiédi dans les masses, chastement recueilli au foyer de quelques âmes, ne convertirait pas sa reconnaissance en popularité. Et puis, qu’on y prenne garde, la vie romaine, simple, naïve, spontanée jusque dans ses dérèglemens, permettait, au peintre des Loges, des combinaisons purement linéaires que la vie française accueillerait par le dédain. Il nous faut et nous voulons des compositions plus savantes et plus motivées. Nous ne consentons pas à la valeur individuelle et indépendante de chaque figure dans un tableau de vingt pieds. Nous demandons compte à tous les acteurs de leur attitude et de leur geste, aussi bien que du plan où ils sont placés, et de la gamme de ton qui les caractérise. Nous admirons, et nous n’aimons pas. Nos plus vives simpathies ne sont