Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/560

Cette page a été validée par deux contributeurs.
554
REVUE DES DEUX MONDES.

et de la pratique, à prévoir les réactions qui se préparent ; à prononcer l’oraison funèbre des écoles qui s’éteignent, des principes qui se meurent, et enfin, s’il est possible, à donner la raison de ces changemens, à les amnistier au nom de l’histoire.

Nous n’avons pas besoin de remonter bien haut : prenons seulement le dix-neuvième siècle à son début, à l’école de David. Que signifie la volonté à laquelle nous devons les Sabines et les Horaces ? N’est-ce pas tout simplement une révolte sérieuse contre la peinture coquette, lascive et dévergondée de Boucher, de Watteau, de Vanloo ? Il y a deux sortes de novateurs, ceux qui détruisent et ceux qui édifient ; les premiers sont plus nombreux, et laissent rarement après eux un nom éclatant et durable : David est de ceux-là. Il n’a rien fondé ni par lui-même, ni par ses élèves demeurés fidèles. Mais son passage n’a pas été inutile. Il a ramené le goût public et la pensée des artistes à des études fausses, exagérées, plus sculpturales que pittoresques, mais sérieuses, sévères et difficiles. Il n’a choisi dans le passé aucun moment capital pour en extraire la pensée dominante et la reproduire, ou pour y découvrir un germe caché et le féconder : sa vue n’allait pas si loin. Mais il a pris en répugnance la peinture dégénérée de son temps, et il a tenté la réforme en transportant sur la toile les lignes systématiques et les plans musculaires, harmonieusement divisés, des marbres grecs et romains. Il s’est trompé sans doute. Mais son erreur n’a pas été sans profit. Qui sait ce que nous lui devons ?

La peinture de la restauration, inspirée d’abord par des accidens extérieurs, n’a pas tardé à comprendre la mission historique qui lui était réservée. Elle a foulé aux pieds les principes de l’école impériale qui avaient fait leur temps et achevé leur rôle ; elle a pris, au-delà de la Manche, les enseignemens immédiats dont l’origine remonte aux maîtres de Venise ; après avoir renversé la statue de David, elle a placé sur l’autel l’image de trois nouveaux dieux, l’auteur des Noces, l’historien de Marie de Médicis, et l’héritier direct de Joshua Reynolds et de Vandyck. Mais il semble que jusqu’ici les occasions ou les hommes lui ont manqué pour continuer dignement la biographie de ces aïeux illustres. Il y a eu des artistes éminens, les grandes œuvres ont été rares. Forcée de produire plutôt pour les cabinets des curieux et le plaisir des oisifs, que pour la déco-