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POÈTES ET ROMANCIERS ANGLAIS.

portrait : Maturin semblait l’ombre ou le wraith du docteur Primrose.

Que de grandes choses n’eût-il pas faites, s’il avait eu devant lui le monde ouvert, comme le poète illustre qui l’introduisit dans la chambre verte de Drurylane ; s’il avait pu librement promener sa fantaisie de Ravenne à Venise, et voir, comme il savait voir, Lisbonne et Madrid, Séville et Cadiz ! Pourquoi Dieu n’a-t-il pas permis que l’auteur de Melmoth pût, comme l’auteur de Lara, accomplir en Europe et en Asie un poétique pèlerinage pour renouveler sa pensée par le spectacle de l’Adriatique et du Bosphore, du Tage et du Guadalquivir ?

Il est donc vrai que la douleur éveille la pensée, mais que l’indigence arrête l’essor de la fantaisie ? Tandis que les oisifs des trois royaumes voyagent, comme leurs malles, dans les capitales du continent, rapportent au retour quelques phrases françaises ou italiennes pour donner à leurs billets du matin un ton de bonne compagnie, n’était-il pas juste que Maturin pût admirer dans sa vie autre chose que Saint-Patrick et Westminster, qu’il récréât ses yeux du palais ducal des doges ou de la coupole de Sainte-Sophie ?


Thomas Roscoe.