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VOYAGE SUR LE MISSISSIPI.

mais les Indiens s’en étant éloignés, et ayant négligé de brûler les herbes, comme ils le font tous les ans, pour chasser le gibier dans les forêts, des bois y ont poussé, mais par bouquets qui ne sont ni très fourrés ni très épais. Je les traversai en voiture pour aller à Saint-Charles, village français sur le Missouri : ils sont remplis de lapins et de perdrix, que le fouet du cocher faisait à peine lever[1]. Plusieurs chariots de malheureux émigrans attendaient sur le bord du Missouri, quand nous y arrivâmes. Le steamboat, qui était de l’autre côté, vint nous chercher, et une demi-heure après, j’étais à Saint-Charles, après avoir traversé la rivière la plus sauvage et la plus sale qu’on puisse imaginer.

Le Missouri prend sa source dans les montagnes Chipewa. Ses eaux sont limoneuses et couleur de cendre ; son courant est plus fort que celui du Mississipi ou toute autre rivière de l’ouest : il est ordinairement de cinq milles à l’heure, et il est peu sûr de s’établir sur ses rives, car souvent il envahit des milliers d’arpens à la fois en emportant les maisons et les plantations qui les couvrent. La crue de ses eaux dure depuis le mois de mars jusqu’à la fin de juillet, et pendant cet espace de temps, il s’élève ou s’abaisse suivant le volume que lui versent ses nombreux tributaires. Il commence à décroître au mois d’août, et continue ainsi jusqu’à ce qu’il soit pris par la gelée.

Je passai la nuit à Saint-Charles, et le lendemain j’allai visiter à six milles de ce village un site assez curieux nommé les Mamelles. Ce sont deux collines arrondies de même hauteur et de même forme, qui s’élèvent l’une près de l’autre au milieu d’une prairie. Du haut de ces collines, on voit à la fois le Missouri, le Mississipi et l’Illinois. Les mounds ou tumuli qui sont près de Saint-Louis, sont tout à fait semblables pour la forme à ceux de Saint-Charles. Ils sont au nombre de quarante, de différentes dimensions, et se trouvent aux environs de la ville, dans un circuit de quatre ou cinq milles ; leur origine est entièrement inconnue ; ils furent sans aucun doute élevés par la main des hommes, mais dans quel but ? C’est ce qu’on ignore. Le plus grand mound s’appelle monk-mound, parce

  1. On sait que la perdrix d’Amérique perche, tout au contraire de la nôtre. Le canard nommé wooden-duck fait aussi son nid dans les arbres.