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nomme dans le pays des matériaux propres à des constructions nouvelles.

La voûte n’a point été la seule victime. Sous prétexte qu’il y avait trop de jour, après le bris des vitraux peints, on a bouché, ou pour mieux dire, muré, de manière à les cacher entièrement, la charmante rosace de la façade, les croisées du côté septentrional en entier, et celles du côté méridional jusqu’à la moitié de leur hauteur. Au milieu de la grande croisée du fond, une des plus remarquables que j’aie vues pour la simplicité et la légèreté des formes, on vient de plaquer un autel du goût et de la forme la plus ridicule. L’artiste constructeur, s’apercevant de mon dépit, me dit : Mais c’est dorique, monsieur ! — C’est pour cela que c’est mauvais. — Vous l’eussiez peut-être voulu corinthien ? me répondit-il dans la ferveur de son classicisme. Ce n’est pas tout ; figurez-vous, mon ami, le chœur entier de cette antique église peint en jaune vif, avec des raies noires en forme de carrés, absolument comme l’antichambre d’un appartement fraîchement décoré et orné de glaces. Le baptistère, d’une date encore plus ancienne que l’église, a subi la même opération, sauf la couleur qui est ici lilas moucheté de noir. L’autel du sacré cœur a reçu pour ornement une fresque représentant un cœur colossal, sur fond blanc, traversé par un sabre à garde recourbée exactement copié sur celui de quelque sous-lieutenant pendant son étape. On voit enfin un nouveau confessional, surmonté de deux clefs en forme d’enseigne, et pour lequel je cherchais une comparaison, lorsqu’un paysan qui se trouvait là, m’en fournit la plus heureuse possible, en s’écriant : « Cela a l’air d’une devanture de boutique à la foire ! » Jugez combien la dignité du sacrement de pénitence doit gagner à de pareilles comparaisons.

Et ce que je viens de relever dans l’église ignorée de Beaumont, est-ce un fait isolé, extraordinaire ? Non, et qui le sait mieux que vous ? c’est la reproduction fidèle de ce qui se passe chaque jour dans toutes les cathédrales et dans l’immense majorité des paroisses de France.

Il n’en est pas moins vrai que c’est du clergé seul que peut venir le salut des chefs-d’œuvre dont il est le dépositaire. D’abord, il a seul la puissance d’intervenir dans leur destinée d’une manière efficace et populaire ; puis l’admirable unité et l’esprit d’ensemble qui font sa force comme corps, assureraient le triomphe et l’application rapide et générale d’un principe quelconque de régénération et de conservation, dès qu’on serait venu à bout de le convaincre de la vérité de ce principe. Enfin, et ceci touche uniquement à mes observations personnelles, dans les nombreuses tentatives que j’ai faites pour réveiller dans différentes localités le respect de l’art national et chrétien, le culte de ses sacrés débris, je n’ai trouvé que