Page:Revue des Deux Mondes - 1833 - tome 1.djvu/509

Cette page a été validée par deux contributeurs.
503
DU VANDALISME EN FRANCE.

Il en résulte les choses à la fois les plus grotesques et les plus tristes. Parmi ces belles églises des provinces riveraines du Rhône, il n’y a guère que celle de Saint-Maximin, la plus célèbre de la Provence, qui ait échappé jusqu’à présent à la brosse dévastatrice, grâce au bon esprit de son curé, M. Laugier. Mais à Saint-Marcellin, la principale église, d’une vétusté très remarquable, a été décorée d’une malheureuse fresque qui représente le jugement dernier, et au centre de laquelle domine une figure du père éternel à chevelure rousse, avec la signature de l’artiste tout au long, et cette inscription parfaitement convenable : Terribilis est locus iste. Mais à Valence, la cathédrale, édifice à plein cintre d’une haute antiquité et d’une beauté réelle, a été repeinte en entier au dehors comme en dedans, et de plus complétement défigurée par des marbrures feintes, et d’autres niaiseries semblables. Mais à Saint-Antonin, la merveille du Dauphiné, l’église consacrée d’abord par Calixte ii en 1118, reconstruite à l’époque du gothique le plus élégant, église à cinq nefs et à la voûte d’une élévation prodigieuse, appuyée sur une terrasse de maçonnerie de cent pieds de haut et de vingt pieds d’épaisseur, s’élevant solitaire et cachée presqu’à tous les yeux, loin de toute route, de toute rivière navigable, de tout moyen de transport, dans un désert où la foi seule pouvait faire surgir un pareil prodige ; cette admirable église a vu ses cinq nefs enluminées avec la plus impitoyable exactitude de toutes les couleurs qui embellissent ordinairement un cabaret. Mais ce qui dépasse tout, à Avignon, ville qui semble dévouée à une persécution spéciale, la célèbre cathédrale de Notre-Dame des Dons, fondée sous Charlemagne, a subi dernièrement l’outrage d’un badigeonnage général. Rien n’a pu arrêter la fougue des restaurateurs. Une chapelle où Charlemagne fonda une de ses écoles de plain-chant, et où se trouve scellée dans le mur la chaire en ogive d’une charmante simplicité, qui servait de trône pontifical aux papes du quinzième siècle ; cette chapelle a été souillée des peintures les plus risibles : c’est à peine si l’on a épargné le magnifique mausolée de Jean xxii, type des tombeaux à dais et à pendentifs du quatorzième siècle. Sans doute pour échapper aux dangers de la concurrence, la même brosse a effacé jusqu’à la dernière trace d’une fresque inappréciable, attribuée à Simon Memmi de Sienne, l’ami de Pétrarque et de Laure, et où il avait représenté les deux amans sous les traits de saint Georges et de la vierge qu’il délivre du dragon. On en montre encore la place toute blanche !

Passez le Rhône, parcourez le Languedoc et la Guyenne ; remontez jusqu’à la Loire, partout le même système. Je parlerai tout-à-l’heure en détail de Toulouse. À Foix, la principale église, très beau vaisseau gothique à une seule nef, a été indignement abîmée, il y a peu d’années : les