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DU VANDALISME EN FRANCE.

derne est non-seulement à mes yeux une brutalité et une sottise, c’est de plus un sacrilège. Je mets du fanatisme à le combattre, et j’espère que ce fanatisme suppléera auprès de vous à la tiédeur de mon style et à l’absence complète de toute science technique.

Vous conviendrez avec moi que l’époque actuelle exige la réunion de tous les efforts individuels, même les plus chétifs, pour réagir contre le vandalisme, et que, parmi ceux qui s’intéressent encore à l’art, nul n’a le droit d’invoquer sa faiblesse pour se dispenser de prêter à cet art agonisant un secours tardif. S’il était possible de se figurer qu’un pouvoir quelconque pût aujourd’hui protéger et défendre l’art, certes celui sous lequel nous avons le bonheur de vivre se chargerait de déraciner cette naïve confiance. Sans parler de ce qui se passe en province, de ces arènes de Nîmes transformées en écuries de cavalerie, de ce marché aux veaux construit sur l’emplacement de l’abbaye de Saint-Bertin, de ce cloître de Soissons changé en tir d’artillerie, de la fameuse tour de Laon, dont vous avez dénoncé la destruction à la fois comique et honteuse ; sans parler de tout cela, ne voyons que ce qui se passe sous nos yeux, en plein Paris : c’est-à-dire, les ruines de Saint-Germain l’Auxerrois et du cloître de Cluny, un théâtre infâme installé sous les voûtes d’une charmante église gothique, l’insolente dégradation des Tuileries, la destruction sacrilège de la chapelle de Saint-Louis à Vincennes ; et en face de ces ruines, le type des reconstructions officielles, ce gâchis de marbre et de dorures qu’on nomme le palais de la Chambre des députés. N’en voilà-t-il pas assez pour convaincre les plus incrédules ? Le moment presse pour que chacun, à défaut d’autre ressource, vienne flétrir d’une inexorable publicité tous les attentats de ce genre. Je dis que le moment presse, car qui sait combien de temps nous pourrons encore leur crier librement anathème. L’état de siège, vous en savez quelque chose, mon ami, est déjà transporté de la cité sur le théâtre : qui sait s’il n’envahira pas aussi l’art ; qui sait si l’on ne viendra pas nous déclarer, de par le roi et M. Fontaine, que l’ogive est carliste et le plein cintre républicain.

Le moment presse encore, parce qu’il est urgent de dérober la France à la réprobation dont doivent la frapper tous les étrangers, quand ils comparent le vandalisme méthodique et réfléchi qui règne en France, avec les efforts de tous les peuples pour dérober au temps les restes des siècles passés et des races éteintes. Partout ailleurs qu’en France, on entoure d’une vénération filiale ces souvenirs d’un autre âge, ces grandes et éclatantes pages de l’histoire de l’humanité, que l’architecture s’est chargée d’écrire, et surtout ces basiliques sublimes où les générations sont venues, l’une après l’autre, prier et reposer devant leur Dieu. Dans tous les pays de