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REVUE DES DEUX MONDES.

TRENTE MOIS DE MA VIE, PAR M. DOUVILLE.

M. Douville cherche à exploiter sa triste célébrité. Accablé sous le poids de l’opinion publique, il veut du moins retirer quelque avantage matériel de l’espèce de curiosité qui s’attache à son nom. En apprenant qu’il préparait sa défense, je m’attendais à quelque œuvre honteuse, mais non, je l’avoue, à cette audace cynique qui croît dans la même proportion que les charges qui s’élèvent contre lui. Puisque la tâche que j’ai entreprise, de démasquer ce malheureux, me condamne à examiner le libelle où il insulte à la crédulité de ses lecteurs, au sens commun, à une foule d’hommes honorables, je vais ramener à son véritable point de vue la question qu’il a tâché d’embrouiller par un amas d’impostures et de détails romanesques.

En m’attaquant à cet homme, je m’étais proposé un tout autre but que le Foreign Quarterly Review. Cette Revue avait fait justice du livre ; moi, je voulus montrer que son auteur n’était digne d’aucune confiance, et que le rôle qu’il joue maintenant à Paris, il l’avait joué partout où je l’ai connu. Je ne me dissimulai pas que cette tâche était délicate, qu’elle touchait de près à la vie privée ; mais c’était un service à rendre à la société et à la science, et je n’hésitai plus. Quelqu’un qui eût démasqué publiquement le faux Pontis de Sainte-Hélène, passant une revue sur la place du Carrousel, eût-il été accusé de fouiller dans sa vie privée ? Certainement non. Je prouvai que le temps que M. Douville prétendait avoir passé au Brésil, il l’avait passé à Buenos-Ayres ; qu’il y avait été arrêté comme accusé d’avoir contrefait les billets de la banque nationale ; qu’à l’époque où il se disait au Congo, il était à Rio-Janeiro ; enfin qu’il ne possédait pas les 240,000 fr. qu’il assure avoir dépensés dans son voyage.

La plupart de ces faits, M. Douville les avoue maintenant. Oubliant les premiers chapitres de son Voyage au Congo, il convient qu’il a passé une partie de l’année 1827 à Buenos-Ayres ; seulement ce n’est plus l’homme que j’y ai connu, repoussé par tout ce qu’il y avait d’honnête, végétant dans un obscur magasin, surveillé par la police : c’est le savant fêté partout, le négociant jouissant d’un crédit sans bornes, faisant un commerce immense, objet de la jalousie de ses compatriotes, et même du gouvernement qui veut le perdre à tout prix. Qui croira à de pareilles impostures, quand vingt témoins sont là pour les démentir ?

Ici, il y a un calcul curieux à faire sur les 240,000 francs que M. Douville a dépensés au Congo. Il emporte avec lui de Paris[1] (je n’examine pas si le fait est vrai ou non) :

En billets de la banque d’Angleterre 
75,000 fr.
En un billet de la banque de France 
1,000 fr.
En quadruples d’Espagne 
10,000 fr.
Ci 
86,000 fr.
  1. Pages 25 et 26.