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REVUE. — CHRONIQUE.

M. le comte Jules de Rességuier, si poète et si grand seigneur qu’il soit, n’a pas dédaigné de se mêler à la foule prosaïque et roturière des Cent et un. M. le comte Jules de Rességuier a bien voulu nous parler en vers des chevaux de poste.

Entre autres belles choses, voici donc ce qu’a dit M. le comte Jules de Rességuier.

Il est doux de pouvoir, aux moindres aventures,
Dire à ses gens : allons, préparez les voitures.
Remplissez les caissons, les vaches et les veaux ;
Chargez mes pistolets, commandez les chevaux ;
De partir au galop sans que rien vous retarde ;
De traverser les flots du peuple qui regarde ;
De tracer dans la rue un lumineux sillon.

Il est bien entendu, de l’aveu même du poète, que ce pauvre peuple qui regarde le lumineux sillon, ne trouve nullement doux, quant à lui, de voir passer alors les vaches et les veaux, car monsieur le comte ajoute plus bas :

Il est doux d’ébranler les vitres des maisons,
D’attirer tout le monde au bruit que nous faisons,
Les paisibles marchands qui, tristes sur leur porte,
Disent : voilà de l’or qu’un riche nous emporte.

M. le comte, au moins, rendons-lui cette justice, n’est pas du nombre de ces riches espiègles qui trouvent plaisir à narguer le peuple en l’éclaboussant. M. le comte dit bien, s’adressant à nos Crésus en équipages :

Je les possède aussi ces biens que je vous vois,
Et mes chevaux anglais s’élancent à ma voix ;
Et je puis, à mon gré, sur la foule grossière,
Répandre, comme vous, l’éclat et la poussière ;
Emporté hors des murs sur mon rapide essieu,
Envelopper Paris dans un cercle de feu.

Mais M. le comte est généreux. Il nous fait grâce de cet éclat et de cette poussière dont il ne tiendrait qu’à lui de nous couvrir. Il ne veut pas nous envelopper dans un cercle de feu ; non. Heureusement pour nous, il a des goûts plus simples ; il laisse les chevaux anglais à l’écurie ; il lui faut seulement :

........ Un modeste réduit,
Une femme timide, un astre solitaire.

C’est bien. Puisque cela vous contente, monsieur le comte, cela nous ar-