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SOUVENIRS SUR JOSEPH NAPOLÉON.

soin de places et de fontaines publiques ; Joseph en a fait construire de fort belles. L’Espagne n’avait pas une population proportionnée à son étendue et à la fertilité de son territoire ; Joseph, en réduisant d’abord, et bientôt après en supprimant les couvens d’hommes, et en soumettant à son autorisation préalable les vœux des femmes qui voudraient embrasser la vie religieuse, avait jeté les fondemens d’une prompte repopulation. La dette de l’état était immense ; Joseph, par la mise en vente des domaines nationaux, la diminua considérablement, et serait parvenu à l’éteindre sans la guerre et les nouvelles dépenses qu’elle occasionnait chaque jour.

Tous ceux qui ont approché de ce prince peuvent rendre témoignage de sa bonté, de sa douceur, de son affabilité et de son égalité de caractère au milieu des évènemens les plus divers. On le voyait, dans sa prospérité, cherchant à répandre sa fortune sur tous ceux qui l’entouraient ; dans ses désastres, moins occupé de lui-même que de ceux que son malheur entraînait avec lui.

Il était brave dans le combat, et il en a donné des preuves tant en Italie qu’en Espagne. Je rapporterai en temps et lieu quelques traits qui feront connaître sa bravoure.

Sa clémence égalait son humanité[1] ; on le vit, pendant la bataille d’Ocana, parcourir les rangs français et recommander aux soldats de ménager les vaincus. Après la bataille, il fit grâce de la vie à un grand nombre de soldats espagnols qui, après lui avoir

  1. Napoléon connaissait si bien le caractère clément de son frère, que voulant (en 1808) faire sentir à l’Espagne la nécessité de se soumettre à Joseph, et craignant que la réputation de bonté de ce prince ne lui nuisît auprès du peuple de Madrid, il menaça les Espagnols de retirer la couronne à un roi dont ils ne se montraient pas dignes, et de la joindre, sur sa tête, au diadème impérial. Voici le passage de la curieuse proclamation qui contient cette singulière menace.

    « Si tous mes efforts sont inutiles, et si vous ne répondez pas à ma confiance il ne me restera qu’à vous traiter en provinces conquises, et à placer mon frère sur un autre trône ; je mettrai alors la couronne d’Espagne sur ma tête, et je saurai la faire respecter des méchans, car Dieu m’a donné la force et la volonté nécessaire pour surmonter tous les obstacles. « Napoléon »

    L’effet de cette menace fut tel, qu’en moins de trente jours, plus de vingt-sept mille pères de famille avaient inscrit leur serment de fidélité à Joseph, sur les registres ouverts à cet effet, chez les magistrats de Madrid.