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aussi d’une taille plus élevée que son frère ; il avait environ cinq pieds cinq pouces.

À son côté marchait le maréchal Jourdan, son chef d’état-major ; immédiatement, derrière lui, venaient les capitaines-généraux de sa garde, duc de Cotadilla et comte Merlin, et les deux aides-de-camp de service, le lieutenant-général Lafont de Blaniac et le colonel Desprez[1]. Les ambassadeurs, les ministres et divers officiers de sa maison l’accompagnaient, ainsi que plusieurs généraux de l’armée française, parmi lesquels on remarquait le comte Belliard, aide-major-général ; le comte Drouet d’Erlon, commandant en chef l’armée du centre, et le baron Dedon, fameux par ses querelles avec Paul Courrier, général d’artillerie plus estimé dans son arme que ne voudrait le faire croire le spirituel vigneron, et qui avait commandé l’artillerie française au mémorable siége de Saragosse.

Joseph s’avançait lentement, écoutant avec patience les réclamations qui lui étaient présentées, répondant avec bonté à ceux qui lui parlaient, encourageant la timidité par ses manières affables, et contenant par le respect ceux que la vivacité méridionale aurait entraînés trop loin. Il remettait à ses aides-de-camp les pétitions qu’on lui donnait, et par une parole gracieuse laissait à tous les solliciteurs une espérance consolante. C’est une qualité de roi que de savoir renvoyer tout le monde content.

J’étais dans une anxiété extrême ; il me tardait que ce fût fini, Le roi arriva enfin devant nous. Il parcourut d’un coup-d’œil la ligne que formaient les pages (nous nous présentions comme des soldats, alignés sur deux rangs), ensuite s’approchant de notre gouverneur :

    el-Abassi ; à sa grande surprise, ce prince l’accueillit en prononçant les noms d’Atala et de Réné. L’amour-propre le plus modeste aurait été excité par cette preuve inattendue d’une lointaine célébrité. M. de Châteaubriand avoue franchement qu’il en fut très flatté.

    Le prince Ali-Bey n’était autre que le savant Badia, qui avait effectivement, à ce qu’il m’a dit, une admiration profonde pour le génie et les ouvrages de l’illustre écrivain, et qui s’amusa beaucoup de l’étonnement que M. de Chateaubriand manifesta dans cette entrevue.

  1. M. Lafont de Blaniac est aujourd’hui membre de la chambre des députés, et M. Desprez lieutenant-général, chef d’état-major de l’année du nord.