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SOUVENIRS SUR JOSEPH NAPOLÉON.

et portant autour du cou, suspendus à une chaîne, les insignes de la toison d’or. Je savais qu’un très petit nombre d’Espagnols en avaient été décorés par les rois Charles iii et Charles iv. Je demandai son nom à Aristizabal : c’était le comte de Montézuma, grand d’Espagne. — Ce descendant des empereurs du Mexique, n’était pas un des courtisans les moins dévoués de Joseph. — Chose étrange, un Montézuma sujet d’un Bonaparte ! Son fils était maître des cérémonies du roi.

Quelques momens après, un colonel de hussards en grande tenue, dolman et pelisse bleu de ciel galonnés en argent, pantalon rouge, passa près de nous. Il avait une taille élevée, un visage coloré, des yeux petits, mais vifs, et malgré des traits communs et fortement prononcés, un air digne et ferme. Sa mine me plut ; je questionnai encore Aristizabal ; c’était le colonel Chassé, commandant le régiment des hussards hollandais. Un officier supérieur espagnol causait avec lui, c’était le chef d’escadron Moralès, commandant le corps franc des chasseurs d’Avila. Je me rappelle encore la sévère et hautaine attitude de cet ancien guérillero, rallié depuis peu à la cause de Joseph qu’il avait long-temps combattue.

L’heure où Joseph devait sortir de son cabinet approchait ; la foule augmentait de moment en moment. Aristizabal me proposa de nous placer auprès de la porte, et de là il me désignait une partie de ceux qui entraient.

Un des premiers, homme assez grand, à figure austère, dont les yeux fatigués étaient voilés par des bésicles vertes, était un ecclésiastique savant, M. Llorente, ancien secrétaire de l’inquisition, alors conseiller d’état de Joseph.

Je vis ainsi passer deux poètes espagnols assez haut placés, Melendez Valdez, qui souriait gracieusement à tous sous son habit de conseiller d’état, et Marchena, qui avait un air très farouche et la croix franco-espagnole de Joseph à sa boutonnière. Il figurait là comme chef de division au ministère de l’intérieur. Il venait, je crois, de faire jouer avec succès, vers cette époque, au théâtre del Principe, une traduction de Tartuffe.

Au milieu de cette foule bariolée, dorée et charmarrée, je ne fus pas peu surpris de voir tout à coup un jeune soldat de la garde royale, qui, avec sa pelisse de simple hussard, son dolman galonné