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sous le règne de Philippe v, était d’une magnificence extraordinaire. Les marbres précieux de la Grèce et de l’Italie, l’or et l’argent de l’Amérique, nouvellement découverte, avaient servi à l’ornement de la demeure des fils de Charles-Quint ; mais l’aspect sombre du bâtiment ne répondait pas à la richesse des décorations intérieures. La façade principale seule avait quelque noblesse. Le reste n’était qu’un assemblage confus d’édifices, élevés à différentes époques, séparés entre eux par de petites cours sales et obscures, où, comme dans le temple de Jérusalem, des revendeurs de toute espèce avaient trouvé le moyen d’établir leurs magasins et leurs boutiques. Le feu commença dans ces taudis mal habités, et gagna les salons du palais ; les guenilles de la populace servirent à alimenter les flammes qui consumèrent l’habitation royale.

Après la destruction de ce palais, Philippe v s’établit dans celui du Buen Retiro, situé à l’extrémité opposée de la ville. Mais, quels que fussent les agrémens de cette charmante retraite, alors ornée d’épais ombrages, d’abondantes et vives fontaines, de larges bassins, le roi ne pouvait s’empêcher de regretter la belle position du palais brûlé, qui, placé sur une colline dont le flanc escarpé est bordé par le Mançanarez, dominait d’un côté la ville entière de Madrid, et de l’autre de vastes campagnes, où s’étendent les rians jardins de la Casa del campo et les forêts profondes del Pardo. La vue n’y est bornée que par la chaîne granitique des monts Guadarrama, au pied de laquelle, par un beau temps, on peut distinguer la coupole arrondie et les immenses bâtimens de l’Escurial. Comme son aïeul Louis xiv, Philippe v avait le goût des monumens ; il voulut reconstruire l’édifice qui avait été détruit, et invita les architectes distingués de ses états d’Espagne et d’Italie, à lui soumettre leurs plans. Celui qu’il adopta n’a pas été entièrement mis à exécution ; une partie seule du palais est terminée ; mais, comme cette partie forme un tout régulier, il est douteux que l’on songe jamais à construire le reste des bâtimens primitivement projetés. Le premier des successeurs de Philippe v qui ait habité le nouveau palais, est Charles iii, et encore ne fut-ce que vers la fin de son règne.

Le palais de Madrid, tel qu’il existe aujourd’hui, offre à peu près l’aspect du Louvre. C’est un carré parfait, au milieu duquel